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Publié dans L'Express ici.

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Anne Perret, pédopsychiatre, Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, Céline Masson, psychanalyste, Nicole Athéa, endocrinologue, Sonia Timsit, psychiatre, Sylvie Quesemand Zucca, psychiatre, Claire Squires, psychiatre, Laurence Croix, psychanalyste, Jean-Pierre Lebrun, psychiatre, Pascale Belot-Fourcade, psychiatre, Anna Cognet, psychologue, Xavier Gassmann, psychanalyste

 

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L’enfant « transgenre » est-il un nouveau symptôme de nos sociétés démocratiques ?

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Depuis plusieurs années, les professionnels de l’enfance sont confrontés à des demandes de transition de genre qui interpellent : être né dans un mauvais corps et vouloir en changer.

Un sujet qui fascine - « cliniquement correct » - en vogue actuellement aussi bien dans les médias que parmi certains professionnels de l’enfance.

Ces enfants seraient-ils les nouveaux symptômes du système néolibéral, auxquels semblent les assigner les classifications en vogue actuellement ? Diagnostiqués « dysphoriques de genre » dans le DSM5, ils s‘ajoutent à la longue liste des symptômes regroupés à présent sous la rubrique comportementale, après les TDHA (troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité) et les nombreux « dys » supposés faire état des difficultés des enfants à entrer dans les apprentissages. C’est une nouvelle langue qui circule, en lien avec des discours idéologiques qui envahissent le champ de la clinique. Ce diagnostic de « dysphorie de genre », rapporté à des troubles neuro-développementaux rappelle une certaine évolution « normative » des classifications en pédopsychiatrie inféodées aux firmes pharmaceutiques évacuant ainsi toute singularité. 

 

L’augmentation exponentielle ces dix dernières années de demandes de « transition » chez les mineurs, majoritairement chez les filles, fait entendre l’importance des enjeux sociaux inhérents à cette clinique. La différence anatomique entre les sexes semble être un obstacle majeur à un épanouissement supposé ; s’en affranchir serait libérateur. Sous prétexte d’interroger le binarisme, on assiste à l’émergence d’un certain dogmatisme qui prétend – au nom de certaines théories - que l’anatomie n’est qu’un épiphénomène, que l’enfant autodéterminé devrait pouvoir choisir son sexe en fonction de ses ressentis.

Mais que ressent un enfant dont l'arrivée de la puberté est souvent insoutenable ? Résout-on l’épreuve des métamorphoses pubertaires à coup de blocages chimiques ? Ces très jeunes sont happés, dans leurs recherches d'identité, par des modèles qui sont désormais de nature sociale : les témoignages de jeunes trans à travers les réseaux sociaux sont un facteur puissant de nouvelles identifications, qui conduisent à des demandes d'identité inversée. L'aspect singulier, transgressif et marginal de la transition est particulièrement valorisant à cette période de la vie.

 

Mais la réponse médicale représente un risque et cela est complètement occulté aussi bien dans les documentaires ou émissions portant sur la transidentité que dans les articles scientifiques toujours trop précautionneux. Il y a un risque majeur de faire d’un enfant sain, un patient à vie en raison de la mise en route de traitements hormonaux agressifs. L'irréversibilité de ces traitements n'est pas seulement liée à leur effet médical, mais également à leurs effets sociaux : une fois installé dans l'identité de genre inversée que le jeune a réclamé, les liens de dépendance instaurés avec l'équipe médicale, les bouleversements familiaux que cette demande a engendrés, le statut acquis auprès des pairs, tous ces facteurs vont ensuite entraver des possibles retours à l'identité d'origine, compromettant son avenir et ses capacités procréatives.

 

Les demandes de ces adolescents arrivent « formatées ». Il s’agit toujours du même discours, de la même revendication, de la même exigence : être né dans un mauvais corps, se sentir appartenir à l’autre sexe, être assigné au sexe auquel on n’appartient pas. Ce discours est véhiculé par les réseaux sociaux qui offrent de nouveaux idéaux qui promettent à ces jeunes monts et merveilles. Ce n’est plus dans leur propre subjectivité, dans leur corps propre, que ces jeunes trouvent des réponses aux questions bien légitimes qu’ils se posent mais sur les réseaux sociaux, que le corps médical relaie complaisamment dans un second temps. La question de la « transidentité » ne serait pas ici à entendre comme un symptôme mais comme un fait. Le mot d’ordre étant de prendre la demande de ces jeunes à la lettre et de les accompagner dans leur transition, avec en perspective les transformations corporelles. L’argument invoqué et servant à faire pression sur les parents notamment étant celui du risque suicidaire, tout autant que le droit au bonheur pour leur enfant. A ce titre, la médecine scientifique doit intervenir au plus vite afin d’enrayer le processus pubertaire et permettre une meilleure efficacité des traitements médicaux et/ou chirurgicaux de transition. A l’enfant et l’adolescent de tailler dans le réel de la chair, de se refaire un corps, de s’autoengendrer au nom d’un idéal de la technique et de la science, qui n’est pas sans évoquer la dynamique sacrificielle d‘une nouvelle religion. Le paradoxe étant qu’au motif de dépsychiatriser la transidentité, la médecine, instrumentalisée est appelée au service de l’enfant et sa famille comme caution et savoir fiable. La question de l’adolescence avec ce qu’elle suppose d’interrogation sur la sexualité est complètement occultée. La complexité de cette clinique n’est pas prise en compte et la finesse de l’écoute nécessaire, parfaitement niée.  Aussi bien la dimension de la temporalité extraordinairement changeante que la métamorphose du corps (et ses effets parfois extrêmement douloureux), toutes deux propres à l’adolescence, sont occultés. Ces enjeux sociaux sont visibles dans les consultations spécialisées où les équipes sont traversées par des clivages et par une radicalisation des discours qui peuvent empêcher tout travail d’élaboration clinique.

 

Pour y faire face, «l’Appel de l’observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent », émanant d’un collectif pluridisciplinaire, interpelle les professionnels de l’enfance (les médecins, les psy-) afin de les inviter à questionner ces pratiques médicales sur les enfants diagnostiqués « dysphoriques de genre » . Cet appel de l’Observatoire est centré sur les discours idéologiques accompagnant les parcours de transition de ces enfants et adolescents. Les interventions médicales et/ou chirurgicales directes sur leur corps avec leurs conséquences souvent irréversibles mettent en question la préservation de l’intégrité physique et psychique de l’enfant. Elles interrogent le champ de la protection de l’enfance, l’intérêt supérieur de l’enfant, de même que la notion de consentement des mineurs. Cet Appel insiste sur le développement de l’enfant, les effets à court, moyen et long terme des traitements, ainsi que sur les conséquences des interventions sur la puberté dans le processus de subjectivation fondateur de l’adolescence. Il s’interroge sur la difficulté à avoir accès aux statistiques de demandes de détransition chez ces enfants et adolescents, devenus grands en France et à l’étranger, ainsi qu’aux problématiques de souffrance psychique ou psychiatrique exprimée par ces enfants et adolescents, accompagnant -ou non- les demandes de transition. On observe également dans les médias et notamment sur les chaînes de télévision du service public des émissions allant toutes dans le sens d’une promotion du changement de sexe sans aucune information sur les conséquences à long terme. La « demande » risque bien de continuer à bondir sur un mode exponentiel, ce qui inquiète même certains « trans » plus âgés.

 

L’Observatoire conclut sur la confusion générale au nom du bien de l’enfant, sur le vide législatif actuel qui entoure ces pratiques et sur la nécessité de préciser le droit comme vient de le faire le Royaume Uni.

Il en va de la responsabilité des médecins, nous les appelons à ne pas engager des traitements irréversibles sur les corps des enfants et des adolescents qui pourraient, une fois adultes porter plainte contre les équipes soignantes pour mutilation.

 

 

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(1) Ce diagnostic de « Dysphorie de genre » du DSM5 est actuellement en voie d’être remplacé par celui de transidentité et d’incongruence de genre dans les classifications internationales. Il n’appartient, en effet plus aux troubles mentaux mais à la rubrique « santé sexuelle » du CIM11.

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(2) Traitement de la « dysphorie de genre » par des bloqueurs de puberté et des hormones antagonistes.

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(3) Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent : impact des pratiques médicales sur les enfants diagnostiqués « dysphoriques de genre » Site de l’observatoire https://www.observatoirepetitesirene.org/

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L’enfant « transgenre » ou l’enfance récusée

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