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L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle - De Julien Gobin

  • Photo du rédacteur: La Petite Sirène
    La Petite Sirène
  • 17 sept.
  • 3 min de lecture

Ce livre, paru dans la collection « Le Débat » chez Gallimard, en 2024, décrit les présupposés idéologiques et contradictions de notre société, notamment à travers le phénomène transgenre qu’il décrit comme le symptôme d’un processus bien plus ancien qui déploie seulement aujourd’hui toutes ses conséquences.


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Son essai retrace l’épopée de l’individu contemporain, de son ascension à sa chute annoncée, à travers une réflexion sur l’évolution de la civilisation occidentale depuis le XVIIIe siècle. Loin de diagnostiquer un simple affaiblissement de l’Occident, Julien Gobin avance la thèse d’une métamorphose comparable à celle d’une chrysalide en biologie : dissolution de l’ancien corps social, état liquide des sociétés individualistes, et, demain peut-être, reconstruction à travers les technologies transhumanistes et l’intelligence artificielle. Le fil directeur de l’auteur est clair : l’histoire moderne, héritière des Lumières, se comprend comme la quête progressive de l’individu pour s’affranchir des déterminismes sociaux et biologiques qui viendraient entraver la pleine expression des désirs de son moi profond supposé authentique. Cette conquête passe par un combat contre le réel, à savoir l’ensemble des influences non choisies qui viendraient enfreindre les désirs et le ressenti de l’individu.


Une grande partie de l’essai s’attache à retracer les dynamiques à l’œuvre dans ce projet d’émancipation débridée. La démocratie libérale, héritière des Lumières, a placé l’autonomie individuelle au cœur de son projet : l’homme n’est plus pensé comme déterminé par la naissance, la religion ou la tradition, mais comme un sujet libre, appelé à se prononcer par lui-même. Cette dynamique suppose ainsi implicitement que tout ce qui contraint la volonté — tutelles sociales, normes imposées, et plus récemment données biologiques — doit être tenu à distance. Dans cette quête du moi profond, le réel lui-même, contrainte par excellence, finit par devenir un ennemi contraignant la libre expression de la nature profonde de l’individu. Ce mécanisme a produit d’immenses progrès en matière de libertés mais, se nourrissant d’un idéal rousseauiste, finit à terme par exacerber la quête de soi jusqu’à la transformer en enjeu politique central.

C’est précisément sur ce point que Julien Gobin montre en quoi les questions de changement de sexe sont des symptômes trouvant leur origine dans le projet démocratique d’émancipation dont les nouveaux terrains de lutte consistent aujourd’hui à étendre le champ de la lutte contre les influences non choisies les plus irréductibles et tenaces, à savoir celles du corps sexué. Dans la logique démocratique, il est en effet cohérent qu’un individu puisse exiger que son individualité ne soit pas asservie à des tutelles cachées, le citoyen émancipé n’est-il pas le présupposé de ce système politique ? Mais cette revendication illustre aussi les contradictions constitutives de la modernité : en cherchant à abolir les catégories sexuées, elle les reconduit sous d’autres formes et renforce paradoxalement le poids des stéréotypes et du conformisme.


Julien Gobin ne s’arrête pas à la question transgenre qu’il place dans l’horizon plus large d’un malaise contemporain : celui des « pathologies de la liberté ». À l’échelle individuelle, s’émanciper provoque un fardeau existentiel lourd : solitude, angoisse, dépression, fatigue d’être soi. À l’échelle collective, cette liberté se heurte à la difficulté de faire société : comment construire un monde commun quand chaque individu pose ses propres valeurs et refuse les compromis nécessaires à la vie collective au nom même de la démocratie ? La question du changement de sexe, loin d’être marginale, révèle alors la double crise de notre modernité : crise de sens pour l’individu, crise démocratique pour la société.


Ce constat posé, où allons-nous ? La dernière partie du livre montre comment l’individu contemporain en tension se retrouve face à une alternative : retrouver un cadre et une autorité extérieure à même de l’apaiser face aux vertiges de la liberté, ou poursuivre sa quête d’autonomie en attendant de la technologie qu’elle vole à son secours. Mais sous la promesse de renforcer son autonomie, la technologie place progressivement l’individu dans de nouvelles chaînes. Nous n’entrerons pas dans les détails de l’analyse passionnante et vertigineuse qui est faite de l’intelligence artificielle et de notre rapport à la technologie, qui viennent progressivement se substituer à notre libre arbitre. Nous vous laissons la découvrir par vous-même !

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