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Censure du débat essentiel dans la recherche sur la médecine du genre

  • Photo du rédacteur: La Petite Sirène
    La Petite Sirène
  • 29 oct.
  • 31 min de lecture

J. Cohn

Society for Evidence-Based Gender Medicine, Twin Falls, ID 83301, États-Unis ;

Soumis : 8 mars 2025, accepté : 18 septembre 2025, publié : 27 octobre 2025

Censorship of Essential Debate in Gender Medicine Research


Trad. Fr.


Résumé


L’intégrité de la littérature scientifique sur la médecine du genre a été compromise, non seulement par la censure d’articles corrects, mais aussi par la censure de critiques d’articles comportant des affirmations non étayées (par exemple exagérées), trompeuses ou erronées. Beaucoup de ces affirmations concernent la base de preuves, qui peut être évaluée rigoureusement à l’aide d’un élément clé de la médecine fondée sur les preuves : les revues systématiques des données. Ces revues concluent actuellement qu’il existe une confiance limitée, voire très faible, dans le fait que les estimations des bénéfices (et parfois des préjudices) des interventions médicales de genre — c’est-à-dire les bloqueurs de puberté, les hormones et/ou les chirurgies — correspondent aux résultats réels.


Plusieurs sociétés médicales et articles publiés dans des revues médicales ont affirmé le contraire, présentant de manière inexacte l’ensemble de la base de preuves et/ou s’appuyant sur des résultats ou conclusions d’études individuelles non étayées ou non représentatives. Par exemple, on affirme souvent une forte probabilité de bénéfices et un faible risque d’effets indésirables liés aux interventions médicales de genre, tandis que les options de traitement alternatives moins invasives sont omises ou mal caractérisées.


D’autres affirmations non étayées, erronées ou trompeuses apparaissent lorsque des études minimisent ou omettent de mentionner des limites importantes, ou rapportent des résultats ou conclusions qui ne sont pas soutenus par leurs propres données ; ces affirmations sont ensuite parfois reprises par d’autres. De plus, certaines études correctement rapportées sont parfois déformées. Les critiques qui tentent de rectifier ces affirmations sont fréquemment rejetées. Quelques exemples sont présentés ici.


Ces rejets ont étouffé le débat scientifique, entravant l’examen et la vérification continus nécessaires au maintien de la rigueur dans la littérature de recherche. À l’heure actuelle, des affirmations erronées et non étayées circulent et se répètent entre les revues et les recommandations ou déclarations des sociétés médicales, désinformant les chercheurs, les cliniciens, les patients et le grand public.


Mots-clés : dysphorie de genre ; censure ; débat en médecine ; affirmation de genre ; transgenre ; thérapie exploratoire

1. Introduction


La médecine du genre (bloqueurs de puberté, hormones et chirurgies) est une méthode parmi d’autres pour traiter la dysphorie de genre, une forme de détresse liée au corps sexué (Drescher, 2025). Ces interventions médicales sont parfois collectivement désignées sous le nom de « soins médicaux d’affirmation de genre » (Rafferty et al., 2018), et, aux États-Unis, le traitement de la dysphorie de genre comprend des bloqueurs de puberté pour certains enfants de huit ans, des double mastectomies pour certains de douze ans, et des chirurgies génitales pour certains mineurs (Olson-Kennedy et al., 2025 ; Tang et al., 2022 ; Terhune et al., 2022) ; dans de nombreux États, il n’existe aucun âge minimal recommandé pour les interventions médicales de genre, à l’exception de la phalloplastie (Coleman et al., 2022).


Les mineurs se voient parfois proposer des bloqueurs de puberté ou des hormones dès leur première visite en clinique (Terhune et al., 2022) ou après un rendez-vous de deux heures (Damiano, 2024), tandis que, pour les personnes majeures, les hormones sont disponibles en ligne (sans évaluation préalable de la santé mentale, un modèle de soins appelé « consentement éclairé » [Cavanaugh et al., 2016 ; Plume Clinic, 2024]). Rien qu’en 2021, plus de 4 000 mineurs américains ont commencé un traitement hormonal (destiné à être pris à vie), et au moins plusieurs centaines subissent chaque année des chirurgies de genre (Terhune et al., 2022).


En incluant les adultes, plus de 50 000 chirurgies dites d’affirmation de genre ont été pratiquées aux États-Unis entre 2016 et 2020 : 57 % des patients ont subi des chirurgies mammaires ou thoraciques et plus d’un tiers (35 %) des chirurgies génitales (dont hystérectomie 9 %, orchidectomie 7 %, vaginoplastie 7 %) (Wright et al., 2023). Une lettre médicale de soutien à une chirurgie, obtenue après un seul rendez-vous et un délai d’une à deux semaines, est proposée en ligne (Plume Clinic, s.d.).


Ces interventions sont pratiquées dans un contexte de désaccord considérable entre experts quant à l’usage des interventions médicales pour la dysphorie de genre (Block, 2023 ; Kozlowska et al., 2024 ; Vrouenraets et al., 2015) et quant à la meilleure manière de traiter la dysphorie de genre en général. Il n’existe pas de consensus.


De plus, bien que l’un des principaux objectifs du traitement de la dysphorie de genre soit d’atténuer la détresse qui y est associée et d’améliorer le fonctionnement psychologique (Baker et al., 2021 ; Gorin, 2024), les preuves de bénéfices liées aux interventions médicales de genre susmentionnées sont « remarquablement faibles » chez les mineurs (Cass, 2024). De nombreuses revues systématiques rigoureuses concluent également à des preuves de faible ou très faible certitude concernant les bénéfices de ces interventions pour les patients de moins de 21 et de moins de 26 ans (Brignardello-Petersen & Wiercioch, 2022 ; Department of Health and Human Services, 2025, chapitre 5 ; McDeavitt et al., 2025a, tableau 3 ; Miroshnychenko et al., 2025a). Des résultats similaires de faible ou très faible qualité, ou de preuves insuffisantes, ont été trouvés pour tous les âges (Baker et al., 2021 ; Georgas et al., 2018).


Les revues systématiques bien menées des preuves¹ suivent des étapes précises (Brignardello-Petersen et al., 2025) afin d’évaluer le degré de certitude de l’ensemble des données probantes, et, avec les méta-analyses, elles constituent la forme la plus fiable de preuve dans la médecine fondée sur les données probantes, soit la meilleure pratique médicale actuelle (Evidence-Based Medicine Working Group, 1992 ; McDeavitt et al., 2025a).


Des résultats indiquant une faible ou très faible certitude des preuves de bénéfice pour la médecine du genre signifient qu’il existe une confiance limitée, voire très faible, dans le fait que les estimations des effets de ces interventions correspondent aux effets réels (Balshem et al., 2011).


Les interventions médicales pour la dysphorie de genre n’ont donc pas démontré de probables bénéfices à long terme (y compris pour soulager la dysphorie de genre), ni, plus précisément, qu’elles réduisent le risque de suicide (Baker et al., 2021 ; Christensen et al., 2025 ; Miroshnychenko et al., 2025a, 2025b ; Ruuska et al., 2024). De plus, leurs bénéfices n’ont pas été démontrés comme étant susceptibles de l’emporter sur les risques d’effets indésirables, tels que le regret (parfois associé à la détransition [Cohn, 2023 ; Feigerlova, 2025]) ou des dommages physiques graves associés mais encore insuffisamment étudiés (Department of Health and Human Services, 2025, chap. 7 ; Miroshnychenko et al., 2025b ; Schwartz et al., 2025), incluant l’infertilité et d’autres atteintes aux organes reproducteurs, à la densité osseuse et au système cardiovasculaire (Cheng et al., 2019 ; De Roo et al., 2016 ; Ludvigsson et al., 2023 ; Nota et al., 2019).


En fait, le groupe ayant initialement développé les interventions de genre chez les mineurs a récemment appelé à « une discussion explicite sur les objectifs des [interventions médicales de genre] pour les adolescents », affirmant : « Le récit linéaire d’une amélioration dans le traitement médical d’affirmation de genre (GAMT) pour les adolescents est limité et… » (Oosthoek et al., 2024).


Les causes de la dysphorie de genre (Levine et al., 2022), les personnes pour qui cette dysphorie pourrait persister (Byrne, 2024 ; Cass, 2024, p. 22) et les résultats probables d’autres formes de traitement (par exemple, « l’attente vigilante » [de Vries & Cohen-Kettenis, 2012] ou d’autres formes de soutien psychologique [Churcher Clarke & Spiliadis, 2019 ; Evans & Evans, 2021 ; Heathcote et al., 2024 ; Hutchinson, 2025 ; Withers, 2020]) ou encore l’évolution naturelle sans intervention, demeurent également inconnus. Les preuves soutenant le recours à un accompagnement psychosocial sans intervention médicale sont également de faible certitude ; toutefois, elles comportent beaucoup moins de risques que les interventions médicales (Heathcote et al., 2024).


Pour les jeunes : « Confirmer l’auto-diagnostic de dysphorie de genre ou d’incongruence de genre d’un jeune est facile. Clarifier les forces développementales qui l’ont influencé et déterminer une intervention appropriée ne l’est pas » (Levine et al., 2022). Il n’existe actuellement « aucun moyen fiable de prédire avec précision quels jeunes pourraient bénéficier d’une transition médicale et lesquels pourraient tirer profit d’une ou plusieurs autres approches ou interventions » (Cass, 2024, p. 134).


Les raisons pour lesquelles si peu de choses sont connues incluent (Cass, 2024, p. 34) le manque d’études systématiques sur les résultats à long terme (au moins une décennie de suivi semble nécessaire [Cass, 2024 ; Cohn, 2023]), les insuffisances des études à plus court terme disponibles (Abbruzzese et al., 2023 ; McDeavitt, 2024 ; McDeavitt et al., 2025a), ainsi que le nombre insuffisant (souvent inexistant) d’essais randomisés contrôlés comparant les personnes traitées et non traitées.


2. Affirmations non étayées, trompeuses ou erronées


Cependant, en plus de ces nombreuses inconnues, le domaine de la médecine du genre souffre également d’informations erronées (Levine et al., 2022) et de censure. Il existe une censure des tentatives de publication (Bailey, 2024 ; Baxendale, 2024 ; Block, 2024a ; « Research into Trans Medicine Has Been Manipulated », 2024 ; Selin Davis, 2024a) ou de diffusion d’informations exactes par d’autres moyens (par exemple au sein des sociétés médicales, Johnson, 2024 ; Nainggolan, 2021 ; Ryan, 2024 ; Selin Davis, 2024b). L’accent est mis ici sur la censure des tentatives de correction d’affirmations non étayées, trompeuses ou erronées concernant les interventions médicales de genre, c’est-à-dire la censure du débat.


Des affirmations non étayées, trompeuses ou erronées concernant la médecine du genre sont apparues dans de nombreuses revues médicales américaines faisant autorité, notamment JAMA (voir par exemple Barbee et al., 2024 ; Lepore et al., 2022 ; Tordoff et al., 2022), le New England Journal of Medicine (NEJM) (McNamara et al., 2022), Pediatrics (Georges et al., 2024 ; Turban et al., 2020b), le Journal of Adolescent Health (Budge et al., 2024 ; Hughes et al., 2021 ; Kidd & Sequeira, 2024), Annual Review of Medicine (Lee & Rosenthal, 2023) et Nature Reviews Endocrinology (Lopez & Kuper, 2023 ; Rosenthal, 2021) ; d’autres exemples sont présentés ci-dessous.


Ces affirmations incluent des exagérations concernant le niveau de connaissance des preuves, par exemple en affirmant — malgré les preuves de faible ou très faible certitude mentionnées précédemment — que ces interventions sont connues pour être probablement bénéfiques, voire « vitales » (cette dernière affirmation risque de créer un effet nocebo [Appleby, 2024 ; Clayton, 2023] en suggérant que ne pas recevoir ces interventions serait potentiellement mortel, alors que le suicide est socialement contagieux). L’affirmation inexacte d’un bénéfice établi est également souvent utilisée pour conclure que les essais contrôlés randomisés seraient contraires à l’éthique.


On retrouve aussi l’affirmation inexacte (Balshem et al., 2011) selon laquelle seuls les essais contrôlés randomisés peuvent améliorer la base de preuves. Une autre affirmation fréquente et incorrecte est que le taux de regret est connu et faible ou rare : en réalité, ce taux n’est pas connu (Cohn, 2023). Bustos et al. (2021) est une revue systématique de faible qualité (Brignardello-Petersen & Wiercioch, 2022) souvent citée pour un faible taux de regret (<1 %), mais ses auteurs reconnaissent que « les limites … et le risque de biais modéré à élevé dans certaines études représentent un grand obstacle à la généralisation des résultats de cette étude », où « certaines études » représentent 23 des 27 études incluses — soit 97 % des participants inclus (Expósito-Campos & D’Angelo, 2021). Toutes les études incluses souffrent d’un suivi prématuré, d’une perte de suivi importante ou des deux (Cohn, 2023, Annexe).


De même, n’est pas étayée (Cheung et al., 2025 ; Clayton et al., 2024 ; McDeavitt et al., 2025b, Tableau 3c) l’affirmation selon laquelle des traitements fondés sur des preuves de bénéfice d’aussi faible qualité et présentant des risques comparables (infertilité, etc.) seraient courants en médecine pédiatrique. Il n’a pas non plus été démontré (Byrne, 2024)² que la dysphorie de genre à l’adolescence soit susceptible de persister, ni (D’Angelo, 2025) que tout traitement visant à aborder la détresse de genre autre que la thérapie d’affirmation de genre et les interventions sociales et médicales visant à modifier les caractéristiques physiques soit nocif.


Un faux dilemme est parfois présenté entre seulement deux options : la « thérapie d’affirmation de genre », c’est-à-dire « une approche thérapeutique axée sur l’affirmation de l’identité de genre d’un patient et qui ne cherche pas à la “réparer” » (Yarbrough et al., 2017), ou la « thérapie » de conversion ou autre approche jugée nuisible. Certains partisans des soins d’affirmation de genre ne mentionnent même pas d’alternatives à l’affirmation de genre, hormis l’absence de traitement (Rosenthal, 2021). Une autre affirmation fréquente est qu’il existe un consensus d’experts sur les meilleures pratiques ; comme mentionné plus haut, il existe un désaccord considérable entre experts.


Souvent, les résultats proviennent d’études qui continuent d’être largement citées malgré leurs erreurs (telles que des conclusions non soutenues par leurs données³) ou leurs limitations graves (souvent passées sous silence) (voir la discussion de quelques exemples dans Abbruzzese et al., 2023 ; Clayton et al., 2022) ; un autre exemple est la revue sur le regret mentionnée ci-dessus.


Les inexactitudes vont presque toujours dans le même sens : elles tendent à exagérer la probabilité de bénéfices et à minimiser le risque d’effets indésirables liés à la médecine du genre, tout en omettant ou déformant les options de traitement alternatives moins invasives. Ces affirmations erronées, trompeuses et non étayées se sont propagées dans la littérature scientifique et, comme décrit ci-dessous, jusque dans les recommandations et politiques des sociétés médicales. (Ainsi, Wikipedia, qui s’appuie sur la littérature scientifique, contient également de nombreuses affirmations erronées, trompeuses et non étayées sur ce sujet.)


3. Exemples de réfutations censurées


Les critiques signalant des erreurs ou des affirmations non étayées dans des articles médicaux prennent souvent la forme de lettres à la rédaction qui, si elles sont acceptées (à la discrétion de l’éditeur), peuvent être publiées en même temps que l’article, permettant ainsi aux lecteurs de voir le débat en cours. Les critiques peuvent également être publiées sur PubPeer, un site d’évaluation par les pairs post-publication, ou dans une autre revue ; dans ces cas, les lecteurs doivent chercher les critiques d’un article en dehors de la revue d’origine.


Les issues possibles d’une critique incluent la correction ou la rétractation de l’article original. Bien que certaines critiques d’affirmations comme celles décrites plus haut soient parfois acceptées pour publication, elles sont souvent rejetées, laissant ces affirmations non contestées dans la revue concernée et, si la critique n’apparaît pas ailleurs, dans la littérature scientifique plus largement.


Cette section décrit plusieurs exemples de critiques rejetées par la revue d’origine. La section suivante examinera les tendances plus larges dans le corpus publié et les rejets observés sur une plateforme tierce d’évaluation post-publication.


Le premier exemple concerne un article dont les conclusions n’étaient pas soutenues par ses données ni par son analyse : « Pubertal Suppression for Transgender Youth and Risk of Suicidal Ideation » par Turban et al. (2020b), publié dans Pediatrics, la revue de l’American Academy of Pediatrics (AAP).


À partir de leur analyse d’un sondage anonyme en ligne, les auteurs ont rapporté une association entre la réception de bloqueurs de puberté et une probabilité plus faible d’idéation suicidaire au cours de la vie. Ils ont conclu :


« Cette étude renforce les recommandations de l’Endocrine Society et de la WPATH selon lesquelles les [bloqueurs de puberté] devraient être mis à disposition des adolescents transgenres qui le souhaitent »
(Turban et al., 2020b, p. 7).

La WPATH (World Professional Association for Transgender Health) est une organisation spécialisée en santé du genre regroupant des cliniciens, des patients et d’autres acteurs. Cependant, les résultats reposaient sur une question connue pour avoir « suscité des réponses peu fiables concernant les bloqueurs de puberté » (Biggs, 2020) ; l’enquête était non représentative, et l’inférence des auteurs concernant un lien de cause à effet aurait pu être inversée, c’est-à-dire qu’il se pourrait que les personnes présentant un risque plus élevé d’idéation suicidaire aient été moins susceptibles de se voir proposer des bloqueurs de puberté.


L’étude a été jugée de faible qualité dans une revue systématique rigoureuse (Taylor et al., 2024b). Pediatrics a rejeté le commentaire de M. Biggs, qui signalait ces objections, sans donner de raison dans sa réponse⁴ ; toutefois, sa critique a été jugée suffisamment convaincante pour être acceptée et publiée ultérieurement dans Archives of Sexual Behavior (Biggs, 2020)⁵.


L’article de Turban et al. (2020b) continue d’être largement cité (416 citations selon Google Scholar à la fin février 2025), souvent pour suggérer que les interventions médicales de genre sont probablement bénéfiques (Endocrine Society, 2020) ou que leur absence augmente l’idéation suicidaire⁶ ou le risque correspondant (Rapaport, 2020).


Un autre article dirigé par J. Turban en 2020, publié dans JAMA Psychiatry et intitulé « Association Between Recalled Exposure to Gender Identity Conversion Efforts and Psychological Distress and Suicide Attempts Among Transgender Adults » (Turban et al., 2020a), utilisait le même sondage en ligne non représentatif pour affirmer qu’une exposition déclarée au cours de la vie (« efforts de conversion de l’identité de genre », définis par une seule question d’enquête⁷) était associée à une détresse psychologique sévère au cours du mois précédent et à une probabilité plus élevée de tentatives de suicide rapportées au cours de la vie.


Les auteurs écrivaient :


« Ces résultats soutiennent les déclarations de politique publique de plusieurs organisations professionnelles qui ont découragé cette pratique »,

et deux d’entre eux ont également publié un éditorial d’opinion intitulé :


« Il est temps que les efforts de conversion soient illégaux dans chaque État, avant que davantage de personnes ne meurent »
(Turban & Keuroghlian, 2019), insistant sur un lien entre le risque de suicide et la thérapie de conversion.

Cependant, comme indiqué précédemment, beaucoup de défenseurs du modèle américain de soins d’affirmation de genre considèrent que toute thérapie autre que l’affirmation est nuisible ; l’auteur principal, J. Turban, a déclaré dans une interview ultérieure :


« Il n’y a pas d’intervention psychiatrique pour la dysphorie de genre. Il existe des interventions médicales pour la dysphorie de genre, si vous voulez. Et ce n’est pas la règle, n’est-ce pas ? Le psychiatre ne va pas traiter la dysphorie de genre, il ne va pas la faire disparaître. […] La seule manière dont on a jamais proposé que la psychiatrie puisse le faire, c’est par la thérapie de conversion, ce qui évidemment ne fonctionne pas. » (Webberly, 2021)

Une version plus longue d’une réponse rejetée, publiée plus tard dans Archives of Sexual Behavior sous le titre « One Size Does Not Fit All: In Support of Psychotherapy for Gender Dysphoria », notait :


« À notre connaissance, toutes les lettres adressées à la rédaction de JAMA Psychiatry, rédigées par des universitaires et cliniciens respectés qui exposaient les graves problèmes de l’étude, ont été rejetées (certaines ont ensuite été soumises comme commentaires non indexés sur la publication en ligne). »
(D’Angelo et al., 2021)

Encore une fois, la psychothérapie n’est pas une thérapie de conversion (D’Angelo, 2025) et, là encore, rien ne prouve que les interventions d’affirmation de genre réduisent le risque de suicide, ni que leur absence l’augmente — ni dans les revues systématiques (Baker et al., 2021 ; Christensen et al., 2025), ni dans une étude nationale finlandaise récente menée sur plusieurs décennies (Ruuska et al., 2024). Néanmoins, l’article comptait 234 citations fin février 2025 sur Google Scholar.


Un troisième exemple provient du NEJM. « Protecting Transgender Health and Challenging Science Denialism in Policy », par McNamara et al. (2022), était un article de perspective résumant les désaccords juridiques au sujet des preuves concernant les interventions médicales associées aux soins d’affirmation de genre. Il affirmait qu’il n’existait « aucun moyen » pour un essai contrôlé randomisé de maintenir un équilibre clinique — c’est-à-dire une incertitude sur le bénéfice probable du traitement —


« puisque les preuves démontrent des bienfaits pour la santé mentale, une réduction de la suicidalité… associée à ces soins. »⁸

Les auteurs affirmaient également que « les études portant sur les personnes ayant effectué une transition médicale ont généralement trouvé des taux de regret inférieurs à 1 % », sans préciser que ces études étaient peu fiables. Ils laissaient entendre que les bloqueurs de puberté étaient sûrs :


« Des témoins […] ont affirmé que les bloqueurs de puberté causaient des modifications osseuses irréversibles et de l’infertilité, malgré leur sécurité établie dans le traitement de la puberté précoce. »
Ils qualifiaient par ailleurs de « provocantes » les affirmations selon lesquelles la dysphorie de genre devrait être traitée uniquement par psychothérapie.

Le NEJM a rejeté ma lettre à la rédaction soulignant ces déclarations trompeuses ou non étayées (ma lettre soumise figure à l’Annexe A). En réponse à mes questions de suivi, l’éditeur m’a indiqué que les articles de type Perspectives, en tant qu’opinions, bénéficiaient d’une certaine liberté, et a exprimé très peu de confiance dans la revue de synthèse (umbrella review) que j’avais citée, notamment parce qu’elle n’avait pas été évaluée par les pairs et contredisait les recommandations des sociétés médicales (la discussion sur ces recommandations suit plus bas).


Ironiquement, la Perspective du NEJM elle-même citait deux white papers non publiés sur un site Web de Yale (The Yale Integrity Project, s.d.) pour nombre de ses affirmations trompeuses ou non étayées. Cela revenait à prioriser l’opinion d’experts plutôt qu’une revue systématique, en contradiction avec un principe fondamental de la médecine fondée sur les preuves.


J’avais cité cette umbrella review particulière (Brignardello-Petersen & Wiercioch, 2022) parce qu’elle était complète, et les lettres à la rédaction ne permettent que cinq références. De plus, j’avais de bonnes raisons de penser qu’elle avait été bien menée : elle était dirigée par un professeur de McMaster spécialisé dans le développement d’outils méthodologiques et leur utilisation ; McMaster étant un chef de file mondial dans la conception et l’application des méthodes de médecine fondée sur les preuves. Mes recours ultérieurs n’ont pas abouti.


Depuis mon échange avec le NEJM, de nombreuses autres revues systématiques et enquêtes ont été publiées (McDeavitt et al., 2025a, tableau 3 ; Department of Health and Human Services, 2025, chap. 5) ; sept d’entre elles ont été commandées pour le rapport final de la Cass Review (Cass, 2024 ; Gender Identity Service Series, 2024). Leurs conclusions concordent avec la revue que j’avais citée.


La Cass Review était une vaste étude indépendante sur la médecine du genre pédiatrique, commandée par le National Health Service (NHS) d’Angleterre. En réponse au rapport final de la Dre Cass, NHS England s’est immédiatement engagé à mettre en œuvre ses recommandations (NHS England, 2024), et l’impact des conclusions du rapport s’est étendu bien au-delà du Royaume-Uni. Peu après, l’ESCAP (European Society for Child & Adolescent Psychiatry), regroupant les sociétés de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de plus de 30 pays européens, a publié une déclaration soulignant « un besoin urgent de protéger les normes cliniques, scientifiques et éthiques » (Drobnič Radobuljac et al., 2024).


L’auteur principal de l’article du NEJM a également dirigé une critique du rapport final de la Cass Review (McNamara et al., 2024), publiée sur le même site mentionné plus haut, celui du Yale Integrity Project (plusieurs articles de ce projet [The Yale Integrity Project, 2025] avancent des arguments similaires concernant la médecine du genre). Cette critique de Yale reprenait plusieurs arguments communs à l’article du NEJM que j’avais critiqué ; toutefois, dans ce cas, deux réfutations évaluées par les pairs ont été publiées (Cheung et al., 2025 ; McDeavitt et al., 2025b). Ainsi, certaines des corrections ou précisions des points que j’avais contestés ont finalement été publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture (mais pas dans le NEJM).


Le quatrième exemple provient de JAMA Surgery : « Postoperative Regret Among Transgender and Gender-Diverse Recipients of Gender-Affirming Surgery », par Barbee et al. (2024). Les auteurs affirmaient que le taux de regret après une chirurgie d’affirmation de genre était « profondément faible », alors qu’en réalité ce taux n’est pas mesuré de manière crédible (Cohn, 2023), et rien ne permet de supposer qu’il soit « profondément faible ». De même, ils avançaient sans fondement que les interventions médicales d’affirmation de genre étaient « sûres et efficaces », avec des bénéfices « clairs ».


Ma Lettre à la rédaction, intitulée « Efficacy and regret rates are still unknown for gender-affirming surgery » (L’efficacité et les taux de regret restent inconnus pour la chirurgie d’affirmation de genre), soulignait que ces affirmations étaient non étayées. Elle a été acceptée.


J’avais suivi à la lettre les instructions de JAMA : une seule affiliation pour une lettre à la rédaction⁹, et, pour les déclarations d’intérêts :


« Les auteurs doivent fournir des informations détaillées sur tous les intérêts financiers, activités, relations et affiliations pertinents (autres que ceux figurant sur la page de titre du manuscrit) incluant… [c’est moi qui souligne]. »

Mon affiliation pertinente (et figurant sur la page de titre) était la Society for Evidence-Based Gender Medicine (SEGM), et j’avais indiqué avec exactitude que je n’avais rien à déclarer. Cependant, environ un mois après l’acceptation de ma lettre, une autre éditrice m’a contactée au sujet de mon contrat d’auteur signé, et j’ai accepté d’ajouter une déclaration complémentaire précisant les informations sur mon institution affiliée, la SEGM, ses objectifs, ainsi que mes relations financières et autres avec elle.


Mais lorsque j’ai demandé à bénéficier de la confidentialité avant de fournir d’autres informations qu’elle réclamait (totalement sans lien avec la médecine du genre ou ma lettre), en demandant un canal de contact sécurisé, au lieu de me garantir la confidentialité éditoriale — et à ma grande surprise — l’éditrice a simplement rejeté ma Lettre à la rédaction pourtant déjà acceptée.


J’ai demandé les raisons de ce refus ; certaines n’ont jamais été clarifiées, et les autres ne m’ont pas semblé exactes. Mon recours a échoué.


Plus important encore, l’exactitude de ma lettre n’a jamais été remise en question. Elle avait été acceptée et signalait un problème sérieux à trois rédacteurs, crucial pour tout patient consentant à subir ces chirurgies : l’affirmation selon laquelle la probabilité de regret à vie pour des chirurgies de genre irréversibles serait « profondément faible » est non étayée, et le bénéfice n’a pas été démontré. Pourtant, l’article du JAMA auquel je répondais soutient à tort le contraire.


Cet article demeure non contesté et, ayant été publié dans JAMA, il continue d’être pris très au sérieux.


Lorsque j’ai soumis une version modifiée de ma lettre à une autre revue, celle-ci m’a répondu que son contenu était « plus approprié pour JAMA ».

La lettre originale figure dans l’annexe de cet article.


4. Corpus de la littérature


Les articles comportant des erreurs ne sont pas nouveaux, et il est possible que le NEJM ne parvienne pas à suivre toutes les corrections possibles malgré ses déclarations – ou ses ambitions – de rigueur scientifique¹⁰, tout comme le JAMA. Il était également possible que les erreurs que j’avais tenté de contester (par exemple, les affirmations inexactes d’un bénéfice établi ou d’un taux de regret connu et faible) soient rares.


Le 20 février 2025, la fonction de recherche du NEJM m’a renvoyé 32 articles contenant le terme “gender-affirming”. En me concentrant sur ceux publiés depuis l’article que j’avais critiqué, j’ai trouvé un ensemble de lettres à la rédaction (Biggs et al., 2023) soulevant de graves préoccupations concernant une seule étude (Chen et al., 2023), un article accompagnateur (de Vries & Hannema, 2023) et la base de preuves.


De Vries et Hannema (2023) affirmaient :


« Les données actuelles montrent que la santé mentale s’améliore avec les hormones d’affirmation de genre (GAH), tandis que le refus de traitement peut aggraver la dysphorie de genre et nuire au fonctionnement psychologique. »

Plusieurs autres articles du NEJM contenaient également des affirmations erronées similaires à celles que ma lettre rejetée avait contestées :


  • « Les soins d’affirmation de genre sont la pierre angulaire du soutien multidisciplinaire à la santé des personnes transgenres et non binaires ; ils sont largement reconnus comme essentiels, fondés sur des données probantes et souvent vitaux. » (Coelho et al., 2025)

  • « Ces projets de loi visent souvent les soins d’affirmation de genre, ignorant les recherches montrant que ces soins améliorent les résultats en santé mentale. » (Guerra et al., 2025)

  • « L’affirmation chirurgicale a démontré qu’elle améliore de manière significative la santé et le bien-être des personnes trans. » (Murphy et al., 2025)

  • « Ce n’est pas une exagération de dire que des vies sont en jeu dans les États qui interdisent ces soins nécessaires. » (Ulrich, 2024)


En outre, bien que plusieurs articles du NEJM aient abordé les questions actuelles en médecine du genre (par exemple, concernant diverses lois américaines), le seul article que le NEJM semblait avoir publié d’ici février 2025 à propos de la Cass Review — pourtant parue depuis dix mois — était un article de perspective critiquant celle-ci (Aaron & Konnoth, 2025). Cette Perspective comportait de nombreuses affirmations non étayées, similaires à celles déjà réfutées dans la critique du Yale Integrity Project par McNamara et al. (2024) ; ainsi, bon nombre de ses affirmations erronées ou non fondées avaient déjà été réfutées par Cheung et al. (2025) trois mois avant sa publication.


De même, ma recherche sur PubMed avec les mots-clés “JAMA gender-affirming surgery”, effectuée le même jour (20 février 2025), a renvoyé 49 articles. J’y ai trouvé un seul cas où les incertitudes et la prudence croissante au niveau international étaient soulignées — encore une fois dans une Lettre à la rédaction (Hunter, 2022) et non dans un article —, en réponse à une étude affirmant à tort que


« l’accès aux soins d’affirmation de genre améliore clairement les résultats de santé » (Park et al., 2021).

Un autre article décrivait une mise en œuvre insuffisante des mesures de résultats rapportés par les patients (Kamran et al., 2023), et un troisième plaidait pour la collecte de données afin d’obtenir des informations de meilleure qualité — tout en affirmant, sans preuve, que


« des essais cliniques ne seraient ni éthiquement ni techniquement réalisables pour les interventions d’affirmation de genre » (Agochukwu-Mmonu et al., 2022).

Plusieurs articles affirmaient l’existence de bénéfices établis ou de taux de regret faibles :


  • « Il existe un corpus croissant de littérature soutenant les effets positifs de la chirurgie d’affirmation de genre (GAS) sur les personnes transgenres et de genres divers. » (Marano et al., 2021)

  • « Compte tenu des bénéfices de la chirurgie d’affirmation de genre (GAS)… » (Wright et al., 2023)

  • « Le regret de transition est extrêmement rare […] Compte tenu des bénéfices établis de la GAS et de la rareté du regret. » (Wu & Keuroghlian, 2023)

  • « Malgré le fait que l’interruption des interventions médicales ou chirurgicales d’affirmation de genre soit rare. » (Turban et al., 2022)

  • « Malgré les bénéfices démontrés pour la santé et le bien-être associés à la chirurgie génitale d’affirmation de genre (GAS). » (Stranix & Bluebond-Langner, 2022)

  • « La chirurgie génitale d’affirmation de genre (GAS) est sûre et offre des avantages substantiels aux patients. » (Downing et al., 2022)

  • « Compte tenu des avantages considérables et de la nécessité médicale des soins d’affirmation de genre… » (Peters, 2024)


Ainsi, JAMA et NEJM ont publié de nombreux articles comportant des affirmations non étayées sur les bénéfices probables et les faibles taux de regret liés à la chirurgie d’affirmation de genre en particulier, et aux interventions médicales d’affirmation de genre en général.


Les problèmes présents dans les articles que j’avais tenté de corriger dans ces revues très influentes n’étaient pas des cas isolés. L’intérêt affiché de ces revues pour la rigueur et l’exactitude ne se traduisait pas de manière constante par des corrections ou des discussions sur les désaccords dans la littérature.


C’est pourquoi il a été significatif que le JAMA publie un Viewpoint de Gorin et al. (2025a), le lendemain de la USC Conference on Censorship in the Sciences: Interdisciplinary Perspectives (janvier 2025)¹¹, rendant compte de nombreuses préoccupations et évolutions dans la compréhension de la médecine du genre pédiatrique, y compris la Cass Review.


Il convient de noter que, tout au long de cette période, quelques revues ont continué à publier des recherches (et des discussions, par exemple Levine et al., 2022 ; Drescher, 2023 ; Levine et al., 2023) sur ce sujet — notamment les Archives of Sexual Behavior, qui ont publié les réfutations initialement rejetées des deux articles de Turban et al. décrits plus haut.


Cependant, cette revue a elle-même été la cible de ce qui semblait être une tentative de censure. Une campagne publique (Adams et al., 2023), menée par de nombreux cliniciens — dont M. Bowers, alors présidente de la WPATH, et A. Radix, son président actuel —, visait à faire révoquer le rédacteur en chef de la revue, sans succès. (Cette initiative était combinée à une tentative réussie [Bailey, 2024] d’obtenir la rétractation d’un article [Diaz & Bailey, 2023].)

Autrement dit, des cliniciens et chercheurs du domaine ont tenté d’écarter un rédacteur en chef dont la revue publiait des critiques rejetées ailleurs.


PubPeer, un site d’évaluation post-publication reliant les critiques aux articles publiés, est une autre plateforme où il est possible d’essayer d’apporter des corrections. Conçu pour favoriser la discussion ouverte sur la recherche, le site a reçu en 2024 un prix de la Fondation Einstein pour son travail.

La citation précisait :


« PubPeer est une plateforme en ligne largement utilisée pour la revue post-publication et la discussion légitime des données scientifiques publiées.
[…]
PubPeer permet à chacun de publier des commentaires anonymes ou signés sur des recherches déjà publiées dans la littérature scientifique, d’ouvrir un débat sur leur contenu et leur intégrité, et de signaler des faiblesses ou de saluer une bonne méthodologie. »¹²

J’ai découvert PubPeer après le rejet de ma critique par le NEJM. J’ai soumis ma critique du NEJM sur leur site avec quelques légères modifications, et elle a été acceptée et publiée deux jours plus tard. Le mois suivant, j’ai soumis des critiques de trois autres articles (une autre critique du NEJM rejetée et deux nouvelles critiques rédigées spécialement pour PubPeer), qui ont toutes été acceptées et publiées dans les jours suivant leur soumission.


Les trois autres articles critiqués étaient :


  • Moving Beyond Psychiatric Gatekeeping for Gender-Affirming Surgery (Wu & Keuroghlian, 2023)

  • Psychosocial Functioning in Transgender Youth after 2 Years of Hormones (Chen et al., 2023)

  • Regret after Gender Affirming Surgery – A Multidisciplinary Approach to a Multifaceted Patient Experience (Jedrzejewski et al., 2023)


Cependant, un mois après la publication de ma première critique sur le site, les quatre critiques ont été supprimées en l’espace de cinq minutes, puis répertoriées comme “rejetées”.

J’ai écrit à PubPeer pour demander pourquoi elles avaient été supprimées — elles avaient déjà été acceptées et publiées, et, à ma connaissance, je respectais toutes leurs exigences (PubPeer FAQ, s.d.).

Je n’ai reçu aucune réponse.


J’ai ensuite demandé ce qu’il me faudrait modifier pour qu’elles soient publiées à nouveau, sans obtenir de réponse. J’ai envoyé plusieurs courriels et utilisé leur formulaire de contact en ligne. J’ai également écrit à l’un des fondateurs de PubPeer.

Je n’ai reçu aucune réponse à aucune de ces demandes.


Ainsi, d’après mon expérience, ces trois principales sources d’information médicale ont bloqué les tentatives de correction d’erreurs importantes et fréquentes ainsi que d’affirmations non étayées figurant dans les articles sur la médecine du genre (dans le cas du JAMA et du NEJM, leurs propres publications).


5. Boucle fermée entre les revues et les sociétés médicales


Dans la censure des articles scientifiques, les sociétés médicales semblent jouer un rôle clé.

Elles dirigent plusieurs des revues concernées et publient également des recommandations et lignes directrices qui sont à la fois citées dans les articles de recherche et utilisées par de nombreux cliniciens, patients, familles et décideurs politiques.

Les articles comportant des affirmations erronées ou non étayées sur la dysphorie de genre ou son traitement s’appuient souvent sur d’autres articles du même type ou sur des recommandations de sociétés médicales, plutôt que sur des revues systématiques — autrement dit, ils privilégient la médecine fondée sur la réputation des experts (eminence-based medicine) plutôt que la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine).

Comme décrit plus haut, il semble que l’éditeur du NEJM ait fait cela dans le cas de ma lettre rejetée.


Normalement, les lignes directrices de sociétés médicales ne devraient pas entrer en conflit avec une revue systématique rigoureuse, car des lignes directrices fiables se fondent sur de telles revues des preuves (Lima et al., 2023 ; Steinberg et al., 2011) et lient la force des recommandations à la qualité des preuves (Block, 2023 ; Brignardello-Petersen et al., 2021).

Cependant, plusieurs analyses de lignes directrices et enquêtes ont mis en évidence des lacunes importantes dans les principales recommandations et politiques en matière de médecine du genre (Block, 2023 ; Dahlen et al., 2021, 2022 ; Taylor et al., 2024a).


Par exemple, la déclaration de politique de l’AAP (Rafferty et al., 2018), qui recommande les soins « d’affirmation de genre » aux États-Unis, n’est pas fondée sur des revues systématiques ; au contraire, les références qu’elle cite « affirment à plusieurs reprises le contraire de ce que l’AAP leur attribue » (Cantor, 2020), entre autres problèmes (McDeavitt, 2025).

Les lignes directrices de l’Endocrine Society (Hembree et al., 2017) formulent des recommandations fortes fondées sur des preuves que leurs propres auteurs qualifient de faible ou très faible certitude (c’est-à-dire avec une confiance limitée, voire très faible, dans la précision des estimations des résultats), sans fournir de justification (Block, 2023).


Au lieu de se fonder sur des revues systématiques, la WPATH est intervenue dans celles qu’elle avait elle-même commandées, affirmant à tort qu’une revue systématique pour ses recommandations concernant les adolescents n’était pas possible (Coleman et al., 2022) — alors que plusieurs existaient déjà (Brignardello-Petersen & Wiercioch, 2022).

Après publication, la WPATH a ensuite supprimé toutes ses recommandations d’âge minimal, sauf une (pour la phalloplastie), sous la pression de l’administration Biden et de l’AAP (Block, 2024a ; Department of Health and Human Services, 2025, chap. 10 ; Ghorayshi, 2024a ; “Research into Trans Medicine Has Been Manipulated”, 2024).


En réalité, une revue rigoureuse récente des lignes directrices en médecine du genre pédiatrique a retracé comment la plupart des recommandations des sociétés médicales reposent sur celles plus anciennes de la WPATH et de l’Endocrine Society, qui étaient interdépendantes entre elles, au lieu de suivre les normes internationales de développement de lignes directrices.

Les auteurs notent que cela « pourrait expliquer pourquoi il a semblé, jusqu’à récemment, exister un consensus apparent sur des domaines clés de la pratique pour lesquels les preuves demeurent insuffisantes » (Taylor et al., 2024a, p. S71).

Ils concluent :


« Les services de santé et les professionnels doivent tenir compte de la faible qualité et de la nature interconnectée des recommandations publiées. »
(Taylor et al., 2024a, p. S65)

Aux États-Unis, la déclaration du Department of Health and Human Services (HHS) de l’administration Biden en faveur des soins d’affirmation de genre pour les jeunes (U.S. Health and Human Services, 2022) orientait les lecteurs vers les recommandations mentionnées ci-dessus de l’AAP, de l’Endocrine Society et de la WPATH.

Le HHS affirmait que les interventions médicales « améliorent […] la santé mentale et le bien-être général » et que les soins d’affirmation de genre « se sont avérés réduire les taux d’effets défavorables sur la santé mentale, renforcer l’estime de soi et améliorer la qualité de vie globale ».

L’une des études citées à l’appui ne « démontrait » toutefois rien, se contentant d’indiquer que « des recherches émergentes suggèrent [des bénéfices] » (Wagner et al., 2019), tandis que les deux autres ne permettaient pas d’établir de relation de causalité (Green et al., 2022 ; Hughto et al., 2020).


La rédactrice en chef du British Medical Journal résumait ainsi la situation en 2023 :


« Une grande partie de cette pratique clinique [aux États-Unis] s’appuie sur des directives émises par des sociétés et associations médicales, mais un examen plus approfondi montre que la force des recommandations cliniques n’est pas en adéquation avec la solidité des preuves. »
(Abbasi, 2023)

Les déclarations des sociétés médicales extérieures aux lignes directrices ont également un poids considérable et comportent souvent des affirmations non étayées, telles que :


  • qu’il existerait « un ensemble complet de recherches démontrant l’impact positif » des interventions de genre (American Psychological Association, 2024) ;

  • que « les jeunes qui ont accès aux soins d’affirmation de genre […] connaissent une nette amélioration de leur santé mentale » (Endocrine Society, 2020) ;

  • ou encore que « les soins d’affirmation de genre sont des soins médicalement nécessaires, fondés sur des données probantes, qui améliorent […] la santé physique et mentale » (American Medical Association, 2021).


Lorsque le rapport final de la Cass Review sur la médecine du genre pédiatrique — fondé sur de nombreuses revues systématiques rigoureuses allant en sens contraire — a été publié, la réaction de nombreuses grandes sociétés médicales américaines a été minime (Block, 2024b).

La Dre Cass a exprimé une comparaison directe, déclarant qu’elle était « en désaccord respectueux avec [l’AAP] qui persiste à maintenir une position désormais démontrée comme obsolète par de multiples revues systématiques » (Ghorayshi, 2024b).


Le rapport suivant du HHS (Department of Health and Human Services, 2025) a suscité une réponse plus explicite.

Bien que fondé sur une évaluation rigoureuse des preuves, l’AAP a néanmoins affirmé qu’il « [privilégiait] les opinions au détriment d’un examen impartial des preuves » (Kressley, 2025).

De son côté, la WPATH a répondu de manière inexacte en déclarant que « les études montrent systématiquement les effets positifs [des soins d’affirmation de genre], notamment l’amélioration de la santé mentale et de la qualité de vie globale » (WPATH & USPATH, 2025), tandis que l’Endocrine Society affirmait à tort que « les études médicales montrent que l’accès à ces soins améliore le bien-être des personnes transgenres et non binaires » (Christensen, 2025).


Il semble donc qu’une boucle fermée se soit formée.

Les revues médicales semblent s’appuyer sur les lignes directrices et recommandations des sociétés pour évaluer les articles soumis, au lieu d’examiner objectivement leur mérite scientifique.

En retour, les sociétés médicales semblent se baser principalement les unes sur les autres (Taylor et al., 2024a) et sur une sélection d’articles parfois peu fiables, plutôt que sur des revues systématiques des preuves (ou, dans le cas de l’Endocrine Society, elles formulent des recommandations fortes sur la base de preuves de faible ou très faible certitude).


En l’absence de critiques fondées sur les preuves (telles que des lettres à la rédaction) et du débat scientifique nécessaire pour garantir la rigueur, de nombreuses erreurs, ou affirmations non étayées ou trompeuses, demeurent non corrigées et continuent d’être répétées.


Les articles publiés dans ce domaine deviennent ainsi non fiables, et la crédibilité ainsi que le fondement d’autorité des revues et de l’ensemble du corpus scientifique s’en trouvent affaiblis.


6. Impacts médicaux


Le fait que ce corpus de littérature scientifique soit désormais imprégné d’articles erronés ne constitue pas seulement un problème académique, mais aussi un danger médical.

En médecine, le consentement éclairé et éthique signifie qu’une personne comprend les bénéfices, les risques et les alternatives (y compris « ne rien faire ») avant d’accepter un traitement (Levine et al., 2022).


Or, dans les exemples présentés ici, les affirmations inexactes concernant les interventions médicales liées au genre minimisent fréquemment la probabilité (inconnue) de risques graves et surestiment la probabilité (inconnue) de bénéfices, tout en ometant de mentionner des alternatives moins risquées et souvent viables (ou en les dénigrant, par exemple en affirmant ou suggérant que la psychothérapie est nocive ou inutile).

Les dommages peuvent aller bien au-delà de la simple non-fiabilité de la littérature scientifique, notamment lorsqu’un article présenté comme faisant autorité indique à tort aux patients et aux médecins que le taux de regret d’une procédure irréversible grave est connu et inférieur à 1 % (ou « rare »).


Comme mentionné dans l’introduction, le modèle affirmatif américain met l’accent sur les bloqueurs de puberté, les hormones et les chirurgies.

Étant donné l’incertitude quant à savoir si ces modifications physiques de corps sains (incluant l’ablation d’organes en bonne santé) sont réellement bénéfiques pour la condition qu’elles prétendent traiter, il serait dans l’intérêt de ces patients vulnérables que les preuves fassent l’objet d’un examen approfondi et d’un débat rigoureux afin de mieux comprendre la meilleure manière de soutenir chaque individu.

En particulier, il serait bénéfique que les patients, les cliniciens et d’autres acteurs disposent d’une information exacte sur ce qui est connu ou non concernant les risques, les bénéfices et les alternatives.


Face à une compréhension accrue des limites des preuves, mise en évidence à maintes reprises par des revues systématiques et synthétisée pour le cas de la médecine pédiatrique dans le rapport final de la Cass Review 2024 (et plus récemment dans le rapport du HHS 2025 [Department of Health and Human Services, 2025]), de nombreux organismes de réglementation et associations professionnelles à travers le monde s’éloignent du modèle affirmatif américain et s’orientent vers la psychothérapie comme première intervention (Block, 2023 ; Drobnič Radobuljac et al., 2024 ; French National Academy of Medicine, 2022 ; Ghorayshi, 2024c ; Hansen et al., 2023).


Il a également été observé (Baxendale, 2025) que ceux qui défendent les soins d’affirmation de genre pour les mineurs (comme le modèle américain) tendent à s’appuyer sur l’opinion d’experts — la forme de preuve la moins fiable — tandis que ceux qui appellent à la prudence et privilégient la psychothérapie s’appuient sur des revues systématiques des preuves — la forme la plus fiable.

Encore une fois, nombre de directives actuelles sont fondées sur le consensus d’experts, c’est-à-dire sur l’opinion, non sur la preuve.


Comme le souligne Baxendale, l’opinion d’experts est beaucoup plus vulnérable aux biais cognitifs et aux dynamiques de groupe, et le fait de la privilégier a contribué à de nombreuses pratiques médicales dommageables dans le passé.

Dans « The Gender Affirmative Treatment Model for Youth with Gender Dysphoria: A Medical Advance or Dangerous Medicine? », Clayton (2022) établit des comparaisons entre la médecine du genre et d’anciennes pratiques médicales qui se sont révélées par la suite nuisibles.

Elle note, par exemple, que « de nombreuses critiques formulées à l’encontre de la base de preuves insuffisante des traitements historiques discrédités peuvent être appliquées à la chirurgie thoracique pratiquée sur des jeunes souffrant de dysphorie de genre ».


Comme l’a rappelé la Dre Cass à destination des jeunes patients dans son rapport final :


« Avant tout, vous devez bénéficier des mêmes standards de soins que tous les autres au sein du NHS, ce qui signifie que les traitements doivent être fondés sur de bonnes preuves. »
(Cass, 2024, p. 14)

7. Conclusions


En résumé, la désinformation affecte aujourd’hui de manière préoccupante la littérature scientifique sur la médecine du genre, et ce malgré les tentatives décrites ici pour corriger les inexactitudes, les déformations, les affirmations non étayées et/ou les erreurs d’analyse.

Plusieurs sociétés médicales américaines influentes et revues scientifiques semblent agir de concert, tout en appliquant de manière insuffisante les bonnes pratiques destinées à garantir la rigueur et la fiabilité des publications.

Les exemples présentés ici incluent :


  • des sociétés ne fondant pas leurs recommandations sur des revues systématiques des preuves,

  • ne liant pas la force des recommandations à celle des preuves,

  • et des revues entravant le débat scientifique.


Les normes auxquelles on s’attend de la part des revues scientifiques constituent le socle de leur crédibilité, de leur autorité et de leur valeur.

Les corrections d’erreurs dans la littérature de recherche sont non seulement attendues, mais présumées par les lecteurs de revues professionnelles.

Le débat scientifique qui les accompagne est universellement reconnu comme essentiel.

Comme le résume un article récent coécrit par plusieurs rédacteurs du JAMA :


« L’échange libre des idées est essentiel au progrès scientifique, tout comme il est au cœur des idéaux fondateurs des États-Unis.
L’intégrité du processus scientifique ne repose pas sur une confiance aveugle dans la science ni sur l’idée qu’une découverte scientifique soit toujours exacte.
Elle repose plutôt sur la conviction que l’échange libre d’idées scientifiques fondées sur une recherche rigoureuse — y compris la discussion, le débat et le désaccord qui conduisent à de nouvelles investigations — aboutit finalement à des connaissances vraisemblablement vraies. »
(Bibbins-Domingo et al., 2025)

Les efforts menés par moi-même et par d’autres en faveur de ces principes ont été entravés pendant plusieurs années.¹³

Il est crucial que le JAMA et les autres revues respectent ces principes dans leurs processus éditoriaux et leurs décisions concernant la médecine du genre.

Une amélioration urgente du corpus scientifique dans ce domaine est nécessaire.


L’article du JAMA publié en janvier 2025 (Gorin et al., 2025a), qui mentionnait la Cass Review, a constitué une étape importante dans la bonne direction, tout comme la publication plus récente du débat entre ses auteurs et leurs critiques (Gorin et al., 2025b ; Streed & Baker, 2025).


La littérature scientifique (et, par extension, la pratique médicale) dans ce domaine bénéficierait grandement d’un « échange libre d’idées scientifiques fondées sur une recherche rigoureuse », notamment concernant la base de preuves de la médecine du genre, qualifiée de « remarquablement faible » pour les mineurs (Cass, 2024, p. 13) et de faible ou très faible certitude plus généralement — si ce type de débat apparaissait plus souvent dans les revues des sociétés médicales américaines et ailleurs.



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