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Une interview de Céline masson dans le jdd


Transidentité : « Aucun traitement irréversible ne devrait être administré aux mineurs »

ENTRETIEN. Céline Masson est professeur des universités en psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent et psychanalyste. Elle a accompagné en tant qu’experte le groupe de travail sur la transidentification des mineurs mené par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio.



Le JDD. Un rapport, porté par le groupe LR et la sénatrice du Val-d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio questionne la transidentité des mineurs. Quel a été votre rôle dans ce rapport ?


Céline Masson. Le Groupe LR au Sénat m’a demandé d’être experte avec Caroline Eliacheff afin d’accompagner le groupe de travail mené par la Sénatrice. Nous avons un réseau d’experts internationaux, dont certains ont été auditionnés à cette occasion. Par ailleurs, nos écrits depuis plusieurs années ont sensibilisé de nombreuses personnes, car nous tenons un discours de prudence fondé sur des études internationales.


Ces experts, notamment en Finlande, Suède, Angleterre, Canada et États-Unis, ont alerté et produit des études scientifiques afin de démontrer qu’il n’y avait aucune preuve de l’absence d’innocuité des bloqueurs de puberté sur les très jeunes adolescents qui s’identifient trans. Actuellement, la controverse médicale dans le monde porte sur les bloqueurs de puberté. Le NHS England (service de santé britannique) vient de déclarer que les mineurs ne pourront plus prendre de bloqueurs de puberté pour cette indication (nommée encore dysphorie de genre), sauf dans le cadre d’un essai clinique.

Nous avons créé début 2021 l’Observatoire de la Petite Sirène, un collectif de chercheurs et professionnels (médecins, psy, enseignants…) qui s’inquiète de la médicalisation de mineurs dits transidentifiés. D’où le vocable de « transidentification » que nous avons proposé, afin de montrer l’impact des réseaux sociaux sur ces jeunes et l’identification au signifiant « trans ». Il s'agit souvent de jeunes mal dans leur corps (une majorité d’entre eux sont des filles).

« L'expression d’un malaise adolescent souvent instrumentalisé par les réseaux sociaux »

Pour répondre à votre question, le groupe LR s’est intéressé à nos travaux. C’est probablement ce pourquoi nous avons été sollicitées. Nous avons pu collecter les chiffres de huit pays européens, Pays-Bas, Finlande, Suède, Norvège, Danemark, Royaume-Uni, Espagne (Catalogne), Belgique, ainsi que ceux des États-Unis, du Canada et de l’Australie. Pour la France, nous avons très peu de données chiffrées, il n'y a aucune étude sur le plan national concernant les mineurs. Les graphiques indiquent une augmentation très importante du nombre de demandes dans les services spécialisées. C’est cette augmentation plus que les chiffres qui interroge et qui est diversement interprétée.

Certains parleront de libération de la parole, d’autres dont nous faisons partie, évoquent l’expression d’un malaise adolescent souvent instrumentalisé par les réseaux sociaux, où des influenceurs apportent parfois de mauvaises réponses à des questions qui méritent une écoute plus professionnelle.


Vous parlez d’une idéologie « transaffirmative » ?


Oui, c’est le mot utilisé par les services du genre dans les établissements de santé, qui font participer des associations de personnes trans souvent très actives (d’où le nom de « transactivistes ») dans leurs réunions dites pluridisciplinaires et qui sont en faveur de l’autodétermination des enfants dès le plus jeune âge. Ils prétendent qu’ils souffrent parce qu’ils sont trans. Ils disent encore qu’il ne faut pas chercher de causes, pas poser de questions mais affirmer le genre et accompagner les enfants qui ne seraient pas « dans le bon corps ».


Il faut savoir que ces services s’appuient sur les préconisations de la WPATH - The World Professional Association for Transgender Health (Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre).

Un document accablant vient de paraître, révélant des fautes médicales sur des enfants et des jeunes adultes vulnérables. Pour eux, si une fille dit qu’elle est un garçon c’est qu’elle l’est, on ne se pose pas de questions. Doit on répondre à toutes les demandes ou désirs des enfants ? Des adolescents ? Ces personnes trans adultes ont souffert et voudraient éviter la souffrance des enfants, mais n’y a-t-il pas de leur part une projection inconsidérée de cette souffrance sur cette nouvelle population qui n’est pas la même aujourd’hui qu’il y a 20 ans ?


Quels sont les dangers ?


Le risque est de négliger les troubles psychopathologiques que tous les médecins observent chez la majorité de ces jeunes. Notre collègue de Finlande, le Pr. Kaltiala, pédopsychiatre (auditionnée au Sénat), dit que deux tiers de ceux qui se sont présentés dans les services spécialisés (dont le sien) ont des antécédents psychiatriques. Elle décrit une forte surreprésentation de TSA (trouble du spectre autistique), de dépression, de troubles anxieux, d’idées suicidaires…

« Nous disons simplement que ces adolescents doivent attendre au moins la majorité avant toute médicalisation »

Depuis le Covid, il y a une augmentation de la dépression chez les adolescents, qui cherchent des solutions pour aller mieux. Les parents que nous rencontrons (fort nombreux) nous disent à quel point, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’affirmation du genre (se dire garçon pour une fille ou inversement) a créé de la dysphorie de genre chez certaines filles voire même chez des garçons (ils savaient au fond d’eux-mêmes qu’ils n’étaient pas trans).

Les détransitionneuses (personnes trans revenant à leur genre d'origine) nous le disent aussi : « Je croyais que c’était une solution mais je me suis menti à moi-même ». Nous disons simplement que ces adolescents doivent attendre au moins la majorité avant toute médicalisation (hormones croisées, testostérone pour les filles, œstrogènes pour les garçons, voire mastectomie, seule opération pratiquée chez les mineures).

Nous préconisons la psychothérapie en première intention, la prise en charge holistique de ces jeunes, et un soutien familial.


Pourriez-vous me décrire le suivi d’un jeune qui a décidé de ne plus s’identifier de l’autre sexe ?


Je pense au parcours d’une jeune qui m’a été relaté. A 13 ans, elle fait un coming out, se déclarant attirée par les filles, ce qui est bien accueilli par ses parents. A ce moment-là, elle subit du harcèlement au collège et des propos homophobes de la part de garçons. Elle a fait un épisode de dépression notamment pendant la période Covid, elle n’aimait pas son corps, ses seins, ses formes qui se développaient, son corps qui se féminisait. Elle se déclare alors « garçon trans » et souhaite prendre des hormones et se faire couper les seins (mastectomie). Ses parents sont séparés, le père résiste.


Les parents ont cherché sur internet la cause du mal-être de leur fille et ont trouvé nos écrits, notamment une première tribune qui a été fondatrice de notre observatoire en 2021.

Ces parents ont décrit un phénomène d’emprise sur les réseaux sociaux d’une part, mais aussi dans une association d’accueil des personnes trans. Celle-ci leur a demandé de ne pas « mégenrer » leur fille, qu’elle pouvait se suicider s’ils continuaient à utiliser son « dead name » ou « morinom » (prénom de naissance dans le vocabulaire trans).

Un médecin a dit au père (c’était en 2019) : « Voulez-vous une fille morte ou un garçon vivant ? » J’avoue qu’en 2021, c’était la première fois que j’entendais ce que nous nommerons dans notre livre un slogan. Je découvrirai plus tard que ce sont des éléments d’intimidation afin d'encourager le jeune à faire une transition de genre. Ces parents ont tenu bon, ils ont manifesté leur amour et leur fermeté. A 18 ans, leur fille a désisté, (renonçant à son identité de garçon) en acceptant son corps de fille et son attirance pour les filles. Elle reconnaît aujourd’hui à 19 ans qu’elle a fait de mauvaises rencontres et qu’elle allait mal, elle cherchait désespérément des solutions.

À l’Observatoire, nous avons reçu des centaines de témoignages de ce type.


Comment les parents vivent-ils ces questionnements ?

Les parents sont sidérés puis effondrés à l’annonce de la transidentité de leur enfant, non pas parce qu’ils sont « transphobes » selon la doxa des militants, mais parce qu’ils prennent très vite conscience de ce que signifie une transition médicale et ses risques pour la santé.

Dans la majorité des cas, leur ado ne va pas bien et leur intuition de parent les incite à la prudence compte tenu des conséquences pour la vie du futur adulte (stérilisation, opérations, médicalisation à vie etc…).

Pour la plupart de ces adolescents, la déclaration de la transidentité est soudaine, aucun signe de dysphorie de genre dans l’enfance. Les parents décrivent aussi une consommation importante d’écran et souvent une exposition à la pornographie à un âge trop précoce (ce qui peut créer chez certaines filles un rejet de toute sexualité et une peur de devenir femme).


Que demandez-vous ?

Je pense que chacun fait ce qu’il veut de son corps lorsqu’il est adulte. Mais des limites doivent être posées chez les mineurs. Nous demandons avec Caroline Eliacheff qu’aucun traitement irréversible sur les corps des mineurs ne soit administré lorsqu’ils ne s’acceptent pas filles ou garçons. Pas d’hormones croisées ou de bloqueurs de puberté et surtout pas de mastectomie.

Nos préconisations pour les mineurs peuvent faire réfléchir également les jeunes majeurs vulnérables qui risqueraient de le regretter. Nous ne parlons pas des personnes transgenres, nous parlons de jeunes en détresse. Le principe de prudence, appris par les médecins, doit être appliqué : primum non nocere, en premier, ne pas nuire. Et j’ajouterai : Sapere aude, ose savoir, ose comprendre la source de ton mal être.


Céline Masson est co-directrice de l’Observatoire de la Petite Sirène et auteur, avec Caroline Eliacheff, pédopsychiatre et psychanalyste de La fabrique de l’enfant-transgenre (L’Observatoire, 2022). 




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