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Un symptôme occidental envahissant - Critique n°1

Dernière mise à jour : 25 sept.



Louise L. Lambrichs est romancière, essayiste, poète, Officier des Arts et Lettres.

 

Un symptôme occidental envahissant


Lecture de Yascha MounkLe piège de l’identité, Comment une idée progressiste est devenue une idée idéologie délétère, Éditions de l’Observatoire, 2023, 560 p.


Bien des écrits originaux ne sont peut-être que la trace vivante d’une inquiétude en quête de partage, une bouteille à la mer lancée à la rencontre d’autres inquiétudes, en partie convergentes mais en partie seulement puisque l’identité, ce que l’on nomme ainsi, n’est jamais qu’une somme originale, irreproductible, d’identifications variées, qui s’enrichissent à la faveur de diverses expériences – somme trouée d’une inconnue ou d’une énigme sur fond d’amnésie originelle : celle de l’altérité à entendre comme un devenir possible. En liberté pas sans limites. Et sans garantie.

Si l’on admet ce postulat qui me paraît consistant du point de vue épistémique après l’ouverture, il y a un siècle, de la clinique psychique (ou psychodynamique, voire psychosomatique) inaugurée par Freud, autrement dit si l’on ne met pas de côté la question de l’inconscient et du malaise dans la civilisation qui frappe les sujets toujours singuliers et peut résulter de certaines formes d’inconscience et/ou d’idéologie, on lira le best-seller de Yascha Mounk comme un apport précieux relatif au symptôme très lourd qui affecte aujourd’hui les universités américaines, mais pas seulement américaines, et à l’ouverture d’un débat déjà fortement entamé à l’Observatoire de la Petite Sirène - débat qui interroge ce qu’il faut bien appeler une idéologie identitaire délétère – déjà pointée en partie, éprouvée, analysée par Amin Maalouf dans Les Identités meurtrières (Paris, Grasset, 1998) et couronné en 1999, il y a vingt-cinq ans, donc, par le Prix européen de l’essai. Ce court essai très clair et accessible, remarquable, inspiré par l’expérience libanaise, est à la portée de tous les adolescents qui se font aujourd’hui capter par divers influenceurs idéologues sur Internet. De ce point de vue, on pourrait dire que l’écrivain a anticipé de façon sensible ce qui vient aujourd’hui s’affirmer, à partir de théorisations hautement problématiques, comme un symptôme occidental très lourd.


L’identité sexuelle (en mettant de côté la question du genre qui fonctionne par identifications diverses et multiples, fluides et mouvantes, comme en témoigne aisément la littérature romanesque qui peut faire dire « je » à une narratrice par un auteur de sexe masculin et inversement, relisons le fameux Journal d’une femme de chambre de Mirbeau) s’opère sur la base d’une négation, d’un savoir tôt inscrit, fondé sur un réel biologique, qu’être une fille c’est d’abord ne pas être un garçon (quel qu’ait été le désir conscient ou inconscient des parents à cet égard) de même qu’être un garçon, c’est d’abord ne pas être une fille – ce qui ne dit rien de la bisexualité psychique, notion courante chez les psychiatres et les sexologues dès la fin du XIXe siècle, et reprise par Freud. Avoir une fille ou un garçon, c’est toujours, d’une certaine façon, consciemment ou inconsciemment, faire dans la réalité le deuil de « l’autre » que l’on croyait possible. Si la fille est parfois désignée comme « garçon manqué », on pourrait tout aussi bien dire d’un garçon, sans lui dénier sa virilité, qu’il est par définition, biologiquement et physiologiquement, une « fille manquée ». Pourquoi on ne le dit jamais est une autre histoire.

Naître biologiquement fille ou garçon fut constaté par les femmes depuis l’Antiquité, bien avant que les médecins assistent les femmes dans le processus d’accouchement, bien avant que les savants explorent les différences internes fonctionnelles qui existent entre les hommes et les femmes. Ce seul fait historique attesté par les textes déboulonne déjà l’idée délirante avancée par les idéologues du genre suivant laquelle ce seraient les médecins qui « assignent » un bébé à tel ou tel sexe. L’idée que nier la différence des sexes pourrait relever d’un progrès humain signifierait que ce n’est pas la conscience qui pourrait faire éventuellement progrès, avancée, partage avec d’autres, mais le déni – autrement dit une façon d’être assujetti à son inconscient, faute d’ouverture d’esprit, d’expérience et d’élaboration – est une vraie question quand une telle idéologie s’empare de certaines élites académiques. Et c’est bien – même s’il ne l’exprime pas ces termes – ce qui inquiète Yascha Mounk lorsqu’il constate qu’à la faveur d’une mode intellectuelle problématique, une idée progressiste et universaliste est en train de se retourner en son contraire, tout en se réclamant de valeurs – la lutte contre les discriminations – qui furent à l’origine de nombreuses avancées dans nos sociétés, valeurs que nous contestent d’ailleurs les régimes dictatoriaux et autocratiques extrêmement répressifs, aussi bien à l’égard des femmes qu’à l’égard des… poètes. Étrange coïncidence, à vrai dire, peut-être moins fortuite que la fameuse rencontre d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table de dissection.

 

Donc, naître d’un sexe, c’est d’abord ne pas naître de l’autre sexe ; négation de base, qui relève du principe de réalité et ouvre un champ très large de possibles pour les deux sexes, et beaucoup plus large désormais dans nos démocraties que dans les régimes dictatoriaux qui continuent d’opprimer sévèrement les femmes parce qu’elles sont nées filles, et les homosexuels parce que leur orientation sexuelle, qui permet des relations sexuelles sans fécondité possible, choque une forme de morale traditionnelle.

L’un des problèmes majeurs des traitements médicaux appliqués très tôt au « genre » supposé « choisi librement », « autodéterminé » dans une enfance qui n’a encore rien exploré quant à ses inclinations et ses penchants, est de fermer de façon scandaleuse ce champ des possibles, en enfermant les jeunes dans une médicalisation fondée, comme tous les enfers, sur un empire nébuleux de bonnes intentions supposées compassionnelles.

 

L’analyse élargie que propose Yascha Mounk, à la faveur d’une enquête dont je recommande la lecture, s’inscrit chez lui dans une inquiétude explicitement politique, puisqu’il se déclare d’emblée de gauche – ce qui est peut-être un problème au sens où la différence des sexes, si elle peut interroger les rôles sociaux traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes dans nos sociétés, n’est pas nécessairement une réalité politique en soi, comme l’enseignent certains travaux anthropologiques, ceux en particulier de Françoise Héritier. Il arrive ainsi, dans certaines populations, qu’une femme qui n’est plus féconde en vienne à être considérée socialement, par les autres hommes, comme un homme, sans pour autant subir quelque intervention chirurgicale que ce soit. Pour ces populations dont les mythes et les mœurs sont différents des nôtres, ce qui « fait femme », c’est donc la fécondité et la gestation. Et qu’une femme biologique puisse passer du statut de femme à celui d’homme social, de frère social, montre bien que la décision du genre est plutôt une représentation symbolique, liée à tout un système symbolique qui organise un certain style de vie sociale, et qui est sans rapport fixé une fois pour toutes au sexe biologique. Avant d’échafauder des théories délétères, les théoriciennes et théoriciens du genre feraient mieux de lire davantage et de s’intéresser d’un peu plus près à la clinique psychique et aux diversités anthropologiques au lieu – c’est mon hypothèse – de venir régler leurs propres comptes sur la place publique en s’appliquant à viser des enfants qui, eux, n’ont pas les mêmes moyens de défense et de critique que les adultes chargés de les protéger des prédateurs en veillant à leur permettre de se développer et en respectant les différents stades de leur développement.

Que ces décisions quant au « genre » social varient suivant les contextes culturels, sans aucune intervention médicale, constitue une raison de plus, me semble-t-il, pour ne pas toucher, surtout dans l’enfance et l’adolescence, à ce qui détermine la santé organique et somatique d’un individu donné.

Il est donc sidérant que cette question de la différence des sexes, qui a agité bien des philosophies antiques et engendré divers mythes, engendre aujourd’hui encore des conflits majeurs, jusque dans nos universités et nos institutions de santé qui, au nom de l’inclusion, de la tolérance, de la bienveillance, de la non-discrimination voire de l’anti-racisme, s’autorisent à savoir ce qui est bon pour des enfants immatures en plein développement, au mépris du réel de la différence des sexes biologique, et avalisent des interventions mutilantes qui compromettront leur santé, tout en destituant les parents de leur autorité. L’enrôlement de la jeunesse, contre l’avis parental, allant parfois jusqu’à encourager le désaveu des parents qui ne se soumettraient pas à l’idéologie qui entend s’imposer, est une vieille stratégie des pires dictatures, ne l’oublions jamais. Or c’est bien ce que font les tenants de cette idéologie, qui consiste à déstabiliser les parents en laissant croire aux enfants qu’ils peuvent choisir leur sexe et que les parents abuseraient de leur autorité en affirmant qu’ils sont une fille ou un garçon. Et certaines autorités médicales et de santé prennent le relais assez massivement pour mobiliser aujourd’hui des associations de parents, désarçonnés par l’ampleur de ce mouvement pernicieux qui touche leurs enfants, jusque dans les écoles. C’est là un mouvement social sans précédent historique, dont les conséquences ravageuses n’ont pas fini de se faire sentir. Aussi, avant de juger, convient-il de lire beaucoup – aussi bien les enquêtes que les articles scientifiques apportant des éléments objectivés par les connaissances. Et il faut aussi regarder avec circonspection les fictions séduisantes qui idéalisent volontiers ce style d’aventure.

 

L’intérêt de l’essai publié par Yasha Mounk est de suivre le cheminement de cette nouvelle idéologie dans les universités et les institutions américaines, et de le faire de façon suffisamment didactique pour être accessible à un large public. Il pointe en particulier ses effets dévastateurs sur la liberté de penser et de débattre sans a priori partisan, mais en se fondant sur des données scientifiques que taisent les militants. Ce qui paraît plus problématique, c’est sa complaisance relative consistant à qualifier les associations militant pour l’idéologie du genre de « progressistes » quand elles relèvent, me semble-t-il plutôt, d’une régression inquiétante dont les effets sur les jeunes générations sont, comme il le dit à raison, délétères – en particulier pour l’égalité en droit de toutes les citoyennes et de tous les citoyens en démocratie, compte non tenu de leur sexe, de leurs origines, de leur race, de leur orientation sexuelle (qui relève de leur vie privée), etc.

De ce point de vue, le « piège de l’identité » apparaît en effet comme un symptôme qui s’est en partie collectivisé et qui, au lieu de relier les individus quels que soient leurs histoires respectives, leurs origines sociales, leurs talents et leurs possibilités, les amène à s’identifier à tel ou tel groupe identitaire, sauf à se montrer traîtres à ce groupe. Le mécanisme d’exclusion, redoutable puisqu’il entraîne automatiquement de douloureux conflits de loyauté, n’est pas le moindre des paradoxes pour un mouvement prétendant militer pour « plus d’inclusion » des minorités sexuelles.

A cet égard, ces groupes d’influence sont en effet des pièges pour des jeunes en quête de repères, agités de questionnements normaux au cours du développement, et dangereux aussi au sens où ils enferment ces jeunes dans des discours qui, les prenant en otage, contribuent à les couper du monde réel – ce qui est la caractéristique des mouvements sectaires. On est donc en droit de s’interroger, comme le fait Yascha Mounk, sur la réaction de nos autorités de tutelle à l’égard de ces groupes sectaires, étant entendu que je ne connais pas les lois américaines mais qu’en France au moins, nous disposons d’une loi, « n° 2001-504 du 12 juin 2001, tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ». L’une de ces libertés fondamentales, en démocratie, étant la liberté de critiquer et de débattre, ces groupes violents qui empêchent le débat et s’en prennent physiquement à celles et ceux qui entendent débattre de ces questions complexes de façon un peu approfondie, avec des professionnels du soin somatique et du soin psychique, devraient déjà (si ce n’est déjà fait) faire l’objet de plaintes, et les influenceurs inquiétés au lieu d’être reçus à bras ouverts dans nos collèges. Si « la gauche » sociale-démocrate entend rester simplement républicaine, elle ne devrait pas craindre de réprimer cette régression sectaire qui fait le jeu d’une extrême-droite populiste prête à tous les dénis de réalité et tous les désaveux les plus grossiers et les plus démagogiques pour parvenir au pouvoir.

Si j’évoque ici la gauche, c’est que le désarroi de Yascha Mounk à l’origine de son enquête est explicitement celui d’un homme qui se situe à gauche et s’interroge sur la façon dont cette nouvelle idéologie piétine, tout en les instrumentalisant, les valeurs traditionnellement soutenues par les gauches social-démocrates. Et Mounk a raison : que ces mouvements prétendent soutenir une avancée sociale fait écran à ce qu’ils soutiennent en réalité, en prétendant s’inscrire dans une perspective progressiste. J’en veux pour preuve le fait, pointé par Yascha Mounk, que ces groupes considèrent « l’appropriation culturelle » comme « nocive » — ce qui légitime à leurs yeux de nouveaux comités de censure qui entendent, après avoir enrégimenté leurs ouailles, réglementer les textes, jusqu’aux textes de la littérature classique (qu’ils n’ont probablement pas lus), sans même parler des écrivains actuels. Inquisition, mise à l’index, ces pratiques destinées à imposer une « foi nouvelle » n’ont malheureusement rien de nouveau, elles prennent simplement de nouvelles formes. Il y a décidément, même en démocratie, beaucoup de gens qui détestent la liberté de penser et de critiquer de façon pertinente sans enrégimenter pour autant.

Mais de quoi parle-t-on quand on déclare « nocive » « l’appropriation culturelle » ? Et qu’ont fait ces mouvements sectaires sinon, précisément, s’approprier culturellement (par définition) cette nouvelle idéologie issue d’études universitaires pour l’imposer aux jeunes par le biais d’influenceurs divers et variés qui entendent désormais l’imposer à tous en commençant par imposer dans certaines institutions leur lexique truffé d’interdits délirants qui sont venus, pour certains, s’imposer jusque dans nos lois ?  Et de quoi rêvent ces mouvements sectaires sinon que tous, nous nous soumettions à leur langage et nous approprions leur idéologie, en souscrivant au déni de la différence des sexes qu’ils entendent promouvoir ? Alors oui, en ce sens, nous pouvons aussi considérer cette « appropriation culturelle » idéologique contagieuse comme « nocive », autrement dit leur renvoyer la balle et interroger en retour ces mouvements sectaires en pointant leurs dénis de réalité. Va-t-on nier que tout être humain, depuis des siècles, naît du rapport sexuel entre un homme et une femme ? Va-t-on accepter que le mot « femme » soit déclaré obsolète et remplacé par des périphrases obscènes ? Faut-il définir un père comme un être humain doté d’un membre viril érectile… ce qui ne saurait suffire, loin s’en faut, à définir la fonction paternelle ?  

Puisque ces mouvements s’appuient volontiers, pour justifier leurs revendications de médicalisation précoce, sur le mot de Beauvoir suivant lequel on ne naît pas femme, on le devient (ce qui peut s’entendre… à condition peut-être d’être née fille et d’avoir éprouvé dans son corps cette mutation intime), on pourrait leur rétorquer aussi qu’on ne devient pas homme, on le devient, comme on devient père, et parfois même sans être géniteur. Et ce n’est pas en récusant les mots de père et de mère, qui constituent des repères symboliques structurants et des supports d’identification pour les enfants, que l’on fera progresser nos sociétés et que l’on œuvrera au respect de l’égalité en droit des hommes et des femmes et de la diversité – entendue comme richesse – de l’humanité, de ses choix, et de ses orientations sexuelles variées et variables. En revanche, on pourra déplorer que bien des autorités se montrent, sous prétexte de progressisme, fort complaisantes à l’égard de cette régression sectaire aux comportements parfois terroristes qui empoisonne l’enseignement et l’instruction, et vient poser à des enfants des questions éminemment intrusives, qu’ils auront bien le temps de se poser plus tard. Enfin, la première appropriation culturelle n’est-elle pas le langage ? L’instruction ne consiste-t-elle pas à donner aux enfants les moyens de s’approprier toutes sortes de cultures, tout au long de leur vie ? Et n’aurions-nous plus le droit, par exemple, de nous approprier d’autres langues que notre langue maternelle ? Va-t-on stigmatiser, chez les enfants, la curiosité qui consiste précisément à s’approprier culturellement, à la faveur de diverses lectures plus ou moins complexes, de nombreuses façons de penser, d’en changer à l’aune de la critique, de leurs rencontres, etc., et de cheminer ainsi de façon vivante tout au long de leur existence ce qui, sans aucun doute, fait la richesse de l’expérience humaine qui peut aussi franchir, sans idéologie, les frontières politiques qui séparent les États-nations ?

 

La seconde notion qui m’a frappée, très en vogue dans cette nouvelle idéologie, est empruntée au langage politique international, et serait aussi à examiner de façon plus aiguë que ne le fait Yascha Mounk : il s’agit de la notion d’ « autodétermination » appliquée à un individu, en l’espèce un enfant ou un adolescent encore immature voire en difficulté psychique sérieuse, et aisément séduit par une telle proposition. Je fais l’hypothèse (peut-être invérifiable, mais je la livre pour nourrir la réflexion des unes et des autres) que cette notion est empruntée, de façon perverse, au droit des peuples à s’autodéterminer. Autrement dit, on plaquerait ainsi, sans réflexion ni élaboration, une notion collective soutenue en principe (mais pas toujours dans les faits) par une utopie démocratique qui est loin d’être partagée par le monde entier. Sans compter que les identités, dans une même nation (au sens politique), sont désormais extrêmement mêlées et riches d’apports issus de nombreuses cultures et nationalités. De ce point de vue, la langue utilisée n’est même plus une identité, la seule chose qui définisse une identité, ce sont les papiers d’identité (et certains en ont plusieurs et peuvent ainsi se réclamer de plusieurs nations). Autrement dit, l’identité est essentiellement, dans notre monde, une catégorie policière et administrative, qui ne dit pas grand-chose de qui nous sommes. D’ailleurs, si l’essai de Yascha Mounk nous intéresse autant, c’est précisément parce que l’idéologie qu’il met en lumière et interroge avec pertinence s’est répandue comme une traînée de poudre dans toutes les démocraties occidentales, à la faveur de l’essor des nouvelles technologies qui débordent à certains égards nos institutions – d’autant que toutes nos démocraties n’ont pas les mêmes systèmes juridiques et ne disposent donc pas des mêmes moyens juridiques pour réguler la vie sociale.

La question qui se pose désormais est donc : comment contenir cette explosion idéologique qui prend la jeunesse vulnérable en otage, décuple les difficultés que peuvent rencontrer les parents avec leurs jeunes enfants, adolescentes et adolescents, exposés de façon trop précoce à des doutes inutiles, et menace les valeurs universelles que soutiennent nos démocraties, déjà mises à mal par d’autres ennemis furieux, beaucoup plus dangereux et plus retors peut-être encore, de nos systèmes démocratiques ? La vraie question politique actuelle serait plutôt là, me semble-t-il. Mais il est vrai aussi que l’on ne peut guère tout approfondir et qu’il vaut mieux faire confiance à chacune et chacun pour prendre, comme il le peut et avec ses propres moyens et connaissances, sa propre part – et tenter de partager avec d’autres ce qui nous paraît important, en le versant si possible au débat contradictoire, quitte à s’exposer à d’éventuels malentendus. Yasha Mounk le fait avec talent, méthode et rigueur, et apporte à tout lecteur non spécialiste des éléments de réflexion précieux. A lire, donc. 

 

Louise L. Lambrichs

Romancière, essayiste, poète


 

Le piège de l'identité : Comment une idée progressiste est devenue une idéologie délétère

Yasha Mounk


Résumé : Comment des idées progressistes sont-elles devenues ?le terreau d'une idéologie délétère pour la liberté, ?l'égalité et la justice sociale ? Création de classes pour les seuls élèves noirs, triage racial dans les hôpitaux, mise en place de fonds de soutien aux entreprises dirigées uniquement par des femmes, aides municipales réservées aux personnes trans...?: aux États-Unis, en Grande-Bretagne et même en France, les politiques et les usages qui varient selon la couleur, la religion ou l'identité sexuelle des citoyens se multiplient. Comment en est-on arrivé là ?? Face à la persistance d'injustices criantes, une partie de la gauche a défendu la nécessité de s'éloigner des principes universalistes et d'appliquer des politiques adaptées à chaque communauté marginalisée?: les minorités discriminées devaient pouvoir revendiquer leur identité avec fierté. Mais à une nécessaire défense des plus opprimés s'est peu à peu substituée une obsession de l'identité sous toutes ses formes, plaçant les communautés au coeur de la démocratie. Faisant bientôt le jeu des populismes de tout bord, l'«?identitarisme?» a rendu de plus en plus difficiles le dialogue et la compréhension entre les citoyens. Yascha Mounk retrace les origines, les conséquences et les dangers de cette idéologie pourtant séduisante, de ses bonnes intentions initiales à ses dérives récentes. Il en effectue l'analyse intellectuelle et historique, avant d'entreprendre une critique philosophique rigoureuse de ses principes. Enfin, il nous propose une salutaire alternative fondée sur le respect des règles universalistes et des valeurs fondamentales de nos sociétés que sont la liberté d'expression, la justice pour tous ou encore l'égalité des chances.





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