RÉSUMÉ
Cela fait un quart de siècle que des cliniciens néerlandais ont proposé la suppression de la puberté comme intervention pour les « transsexuels juvéniles », qui est devenue la norme internationale pour traiter la dysphorie de genre. Cet article passe en revue l’histoire de cette intervention et examine de manière critique les preuves avancées pour la soutenir. L’intervention a été justifiée par des affirmations selon lesquelles elle était réversible et servait d'outil de diagnostic, mais ces affirmations deviennent de plus en plus improbables. La principale preuve en faveur du protocole néerlandais provient d'une étude longitudinale sur 70 adolescents ayant subi une suppression de la puberté suivie d’hormones de transition et de chirurgie. Leurs résultats, peu après l’opération, semblaient positifs, à l’exception d’un patient décédé, mais ces conclusions reposaient sur un petit nombre d’observations et des mesures incommensurables de la dysphorie de genre. Une étude de réplication menée en Grande-Bretagne n'a montré aucune amélioration. Si certains effets de la suppression de la puberté ont été soigneusement étudiés, comme sur la densité osseuse, d'autres ont été négligés, comme sur la fonction sexuelle.
L'utilisation des agonistes de l'hormone de libération des gonadotrophines (GnRHa) pour supprimer la puberté chez les « transsexuels juvéniles » a été proposée pour la première fois dans une publication au milieu des années 1990 (Gooren & Delemarre-van de Waal, 1996). Développée par trois cliniciens à Utrecht et Amsterdam, cette intervention est devenue connue sous le nom de protocole néerlandais. Elle est rapidement devenue une pratique standard dans le traitement des adolescents diagnostiqués avec une dysphorie de genre (HBIGDA, 2001). Cette intervention a été décrite dans plusieurs manifestes par ses partisans (par ex. de Vries & Cohen-Kettenis, 2012 ; Delemarre-van de Waal, 2014 ; Delemarre-van de Waal & Cohen-Kettenis, 2006) et a fait l’objet de brefs commentaires critiques (Byng et al., 2018 ; Laidlaw et al., 2019 ; Levine et al., 2022). L'objectif de cet article est de fournir un récit historique de l’invention du protocole néerlandais et une analyse critique des preuves accumulées au cours du quart de siècle écoulé depuis sa proposition.
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