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Sous la surface - Comment l'identité de genre redessine l’Europe

  • Photo du rédacteur: La Petite Sirène
    La Petite Sirène
  • 6 oct.
  • 42 min de lecture
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Trad. Fr.


Ce qui se cache sous la surface


Depuis plus d'une décennie, nous assistons à l'érosion des principes fondamentaux – la clarté du droit, la signification de la femme, le fondement des droits liés au sexe – sous le poids de l'emprise idéologique. Le passage du sexe à l'identité de genre n'est pas seulement une question de langage. Il s'agit d'une transformation structurelle qui remodèle la manière dont les institutions à travers l'Europe comprennent les droits, élaborent leurs politiques et répartissent les ressources et le pouvoir. Nous avons rédigé ce rapport parce que trop nombreux sont ceux qui, dans la sphère politique, la société civile et la sphère publique, abordent ce changement en silence, sans savoir exactement ce qui a changé, comment cela s'est produit ni ce que cela signifie pour la responsabilité démocratique. Tant au sein de l'Union européenne que du Conseil de l'Europe, les politiques sont réécrites de manière à occulter le sexe en tant que réalité juridique et matérielle. Ces changements contournent souvent la législation formelle, progressant plutôt par le biais de lignes directrices, de recommandations, de stratégies, de feuilles de route et d'autres instruments juridiques non contraignants qui remodèlent les normes institutionnelles sans débat public. Cela a permis une expansion constante et largement non examinée des cadres d'identité de genre dans un large éventail de secteurs, allant de l'emploi et de l'éducation aux soins de santé et aux services sociaux, en passant par la lutte contre la discrimination, le sport, le financement de la société civile et la collecte de données et de statistiques, ainsi que la formation des instances judiciaires, policières, administratives et chargées de l'égalité. 


Dans ces domaines, les pratiques institutionnelles reflètent de plus en plus un modèle d'identité de genre considéré comme inné et autodéfini. Cela se traduit par la promotion à l'échelle européenne de l'auto-identification juridique, la volonté d'interdire les thérapies de conversion liées à l'identité et à l'expression de genre, et les efforts visant à réglementer les discours qui assimilent la désapprobation, y compris la critique féministe, à de la haine, érodant ainsi les principes fondamentaux de la démocratie et portant atteinte à la liberté d'expression. Les conséquences sont politiques, institutionnelles et culturelles, sapant les droits et la protection des femmes et des filles, des lesbiennes et des gays, des enfants et des adolescents, et nuisant en fin de compte à la société dans son ensemble. En tant que praticiens politiques, nous avons travaillé au sein et autour des institutions qui subissent actuellement cette transformation. Nous savons comment les changements linguistiques se traduisent en changements juridiques, et comment le silence devient complicité. Ce rapport est notre contribution pour briser ce silence et révéler ce qui se passe derrière des portes closes. Sous la surface se cache une carte des acteurs, des changements et des conséquences qui, trop souvent, passent inaperçus et ne sont pas remis en question. Nous espérons qu'il vous permettra d'examiner plus attentivement, de vous exprimer plus clairement, de défendre vos idées avec plus d'assurance et d'agir avec une compréhension plus approfondie de ce qui est réellement en jeu. C'est une invitation à construire ce travail avec nous : ouvrir le débat, transcender les divisions partisanes et fonder notre approche sur les valeurs démocratiques et les droits humains universels. 


Faika El-Nagashi Anna Zobnina Fondatrice et directrice, Athena Forum Membre du groupe consultatif, Athena Forum


Présentation du Forum Athena 


Une initiative européenne pour les droits liés au genre, les valeurs démocratiques et le courage politique 


Le Forum Athena a été fondé en réponse à un changement politique, institutionnel et sociétal croissant à travers l'Europe : l'érosion des droits liés au genre par la mainmise idéologique, la suppression de la dissidence et du débat, et l'absence frappante d'organisations de la société civile disposées à s'opposer à ce changement. Nous sommes un groupe de réflexion européen et un centre stratégique qui œuvre à la sauvegarde et à la promotion des droits liés au sexe dans le domaine du droit, de la politique et de la société civile, et qui lutte contre leur déformation dans le discours public. Nous réunissons des experts juridiques, médicaux et politiques, ainsi que des féministes, des universitaires, des journalistes et des militants de base, qui combinent leurs compétences et leur expertise pour garantir que ces droits restent visibles, cohérents et protégés sur le plan politique, tout en renforçant la responsabilité démocratique des institutions européennes. Ce que nous faisons Nous travaillons dans les domaines du plaidoyer, de l'analyse juridique et politique, de l'engagement du public et des médias, et du suivi institutionnel, en construisant une plateforme non partisane, riche en ressources et influente à travers l'Europe.


  • Nous suivons les changements juridiques et politiques dans les domaines de l'égalité, de l'éducation, de la santé, de la justice et d'autres secteurs clés, en mettant l'accent sur les domaines où les droits liés au genre sont redéfinis, contestés ou remis en cause. 


  • Nous nous engageons politiquement et publiquement en contribuant aux débats nationaux et européens. 


  • Nous offrons une coordination transfrontalière et régionale qui soutient la collaboration et amplifie les perspectives des groupes et initiatives locaux et nationaux. 


  • Nous collaborons avec les institutions européennes en surveillant les évolutions et en plaidant pour la clarté, la responsabilité et le respect des droits liés au genre dans les politiques et la prise de décision. 


  • Nous renforçons les capacités et construisons un réseau solide en proposant des formations, du mentorat et le partage de connaissances afin de contribuer à une organisation durable et résiliente et à une stratégie efficace.


Avant-propos


Sex Matters est fier d'avoir soutenu la création de l'Athena Forum, une initiative européenne indispensable pour lutter en faveur des droits liés au genre et des valeurs démocratiques, et pour raviver le courage politique. Ce rapport, rédigé par Faika El-Nagashi et Anna Zobnina, est l'une des premières initiatives majeures de l'Athena Forum. Il s'agit d'un compte rendu très précis et minutieusement documenté sur la manière dont l'idéologie de l'identité de genre a envahi les institutions européennes. Le rapport explique comment les militants ont exploité le glissement linguistique entre sexe et genre pour saper les fondements de la réalité matérielle des puissantes institutions de Bruxelles et de Strasbourg. 


 La liste des préjudices est bien trop familière aux militants réalistes en matière de sexualité au Royaume-Uni : responsabilité démocratique compromise, droits des femmes bafoués, liberté d'expression restreinte, enfants et adolescents victimes de préjudices, droits des gays et lesbiennes érodés, équité sportive pour les femmes abandonnée et statistiques faussées. Mais l'esprit de rébellion nous est également familier, tout comme la détermination à reconquérir ce qui a été perdu. 


Il est opportun et significatif que Faika El-Nagashi ait choisi de réagir à ces développements en fondant le Forum Athena. Elle est particulièrement bien placée pour mener à bien cette tâche : militante de longue date pour les droits des femmes, ancienne politicienne du Parti vert, elle a également été activement impliquée dans les réseaux influents IGLYO, ILGA-Europe et EL*C. Ces dernières années, son insistance sur la réalité du sexe et sur le fait que les hommes et les femmes sont des groupes différents lui a valu d'être exclue de certaines des organisations qu'elle a contribué à créer. Pour ceux qui sont déterminés à prétendre le contraire, l'exclusion de Faika pourrait s'avérer être une grave erreur stratégique. J'espère que l'Athena Forum incarnera les mêmes qualités que son homonyme et sa fondatrice : l'intelligence, le courage et la réflexion stratégique. Pour cela, il doit rassembler des soutiens et créer une dynamique. Ce rapport, qui suscitera des discussions et créera des liens, est un excellent premier pas. Partagez-le, soutenez-le et exprimez-vous sur les questions qu'il met clairement en évidence. Surtout, ne doutez pas qu'un petit groupe de citoyens travailleurs, réfléchis et engagés puisse reconquérir nos institutions. L'enjeu est trop important pour abandonner.


Perdre le langage du sexe

L'Union européenne (UE) n'a pas seulement été fondée comme une alliance économique, mais aussi comme un projet politique fondé sur les droits fondamentaux. L'un de ses principes juridiques les plus anciens et les plus clairement définis est l'égalité entre les femmes et les hommes, inscrite pour la première fois dans les traités de l'UE en 1957 afin de garantir l'égalité de rémunération entre les sexes. Au fil du temps, ce principe s'est étendu aux conditions de travail, à la sécurité sociale, à l'accès aux biens et aux services, à la protection de la maternité et à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. L'égalité entre les sexes n'est pas seulement une valeur déclarée dans le cadre juridique de l'UE, c'est une obligation contraignante. L'article 8 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) engage l'UE à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes ses activités. À cela s'ajoute l'engagement plus large de lutter contre la discrimination fondée sur plusieurs motifs, dont le sexe (article 10 du TFUE). Au moment de la rédaction, la signification des termes « femmes » et « hommes » dans le droit de l'UE était sans ambiguïté : les femmes sont des personnes humaines adultes de sexe féminin, les hommes sont des personnes humaines adultes de sexe masculin. Dans certaines dispositions, cela est explicitement précisé, par exemple dans l'exigence selon laquelle « chaque État membre veille à l'application du principe de l'égalité de rémunération entre les travailleurs masculins et féminins pour un travail égal » (article 157 du TFUE).


Afin d'accélérer la mise en œuvre, l'UE a adopté au milieu des années 1990 une approche visant à intégrer l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Cette approche a évolué vers l'intégration de la dimension de genre, promue par le Programme d'action de Pékin de 1995 des Nations unies, une feuille de route mondiale pour la promotion des droits des femmes, élaborée par des milliers de militantes féministes et de représentants d'États, dont l'UE en tant qu'acteur institutionnel. À l'époque, le genre faisait référence au système social de relations de pouvoir inégales entre les sexes – ancré dans des stéréotypes dépassés sur la façon dont les femmes et les hommes sont censés se comporter – et non à une identité innée indépendante de la réalité biologique. À l'insu de la plupart des participants à Pékin, un développement parallèle se déroulait ailleurs. Au début et au milieu des années 1990, un groupe de militants transgenres basés aux États-Unis a publié la Charte internationale des droits du genre, proposant un changement conceptuel : remplacer le sexe biologique par un sentiment interne d'identité de genre comme base de la reconnaissance juridique et sociale. Au cours des décennies suivantes, cette interprétation a gagné en popularité au sein des institutions. Au sein des institutions de l'UE et du Conseil de l'Europe (CoE), le terme « genre » a commencé à remplacer le terme « sexe » dans la législation et les politiques. Si ce changement a souvent été motivé par des acteurs bien intentionnés visant à promouvoir l'inclusion, il a eu de graves conséquences sur la clarté juridique et l'intégrité des protections fondées sur le sexe. L'identité de genre est désormais considérée comme une catégorie juridique fondamentale, tandis que le concept original d'égalité des sexes, au cœur du droit européen, a été dilué ou redéfini.


En conséquence, nous assistons aujourd'hui à la quasi-disparition du cadre fondé sur le sexe dans l'élaboration des politiques de l'UE. L'égalité entre les femmes et les hommes a été reformulée en termes d'égalité des genres, une expression qui se prête à des interprétations très larges et contradictoires. Les protections juridiques et la collecte de données, autrefois conçues pour lutter contre les inégalités fondées sur le sexe, sont de plus en plus formulées autour de l'identité de genre. Les relations entre personnes du même sexe sont redéfinies comme étant entre personnes du même genre ; la violence à l'égard des femmes devient une violence fondée sur le genre, dans laquelle le sexe de la victime et de l'auteur est obscurci. L'intégration de la dimension de genre est passée de la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes à la promotion de l'identité et de l'expression de genre, des concepts qui sont non seulement vagues, mais aussi incompatibles avec le sens et la fonction des protections fondées sur le sexe. Si le mot « femme » peut signifier n'importe quoi, il ne signifie finalement plus rien. À mesure que les définitions s'estompent, les mécanismes destinés à protéger les femmes s'estompent également. Les services destinés aux femmes et aux filles, tels que les centres d'aide aux victimes de viol ou les compétitions sportives, sont soumis à de nouvelles pressions pour donner la priorité aux sentiments plutôt qu'à la réalité biologique.


Ce changement reflète une collision entre deux utilisations concurrentes du terme « genre » : l'une ancrée dans l'analyse féministe des rôles sociaux fondés sur le sexe, et l'autre promue par le mouvement transgenre comme une identité innée et autodéfinie. Au fil du temps, c'est cette dernière interprétation qui s'est imposée dans les cadres de l'UE et du Conseil de l'Europe, remodelant les politiques et le langage institutionnel en conséquence. Le sexe, premier motif de protection inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE, est désormais manifestement absent des grandes stratégies et communications publiques de l'UE. Dans toutes les institutions, des efforts sont faits pour éviter même d'utiliser le terme, sur papier ou dans les discours. Comme ces textes sont traduits dans les 24 langues officielles de l'UE, leur signification devient encore plus instable, car la signification du terme « genre » reste souvent floue : sexe biologique, rôles et stéréotypes sociaux, relations de pouvoir entre les sexes ou concepts liés à l'identité de genre. Il en résulte un environnement juridique et politique dans lequel les droits fondamentaux liés au sexe sont de plus en plus difficiles à nommer, à défendre ou à faire respecter, ce qui fait passer les droits de l'homme d'un fondement objectif à un fondement subjectif.


Le lobby de l'identité de genre en Europe


Depuis plus de quinze ans, un profond changement idéologique s'est opéré au sein des institutions européennes, se traduisant par une évolution du langage, des concepts, des politiques et de l'orientation institutionnelle.


Plusieurs organisations faîtières très influentes ont vu le jour au milieu des années 2010. TGEU (Transgender Europe) a été enregistrée en 2007, et OII Europe (Organisation Intersex International Europe) en 2015. L'ILGA (International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association) a été fondée en 1978 en tant que réseau mondial ; sa branche régionale, ILGA-Europe, a été créée en 1996.  


Au début des années 2010, ILGA-Europe avait intégré la défense des droits des personnes transgenres dans ses activités principales, notamment grâce à son outil de plaidoyer Rainbow Map, à des actions en justice stratégiques, à des rapports et à des actions de plaidoyer au niveau national. En collaboration avec IGLYO (International LGBTQI Youth and Student Organisation, fondée en 1984) et la plus jeune EL*C (EuroCentralAsianLesbian* Community), créée en 2017 et ouverte à toute personne s'identifiant comme lesbienne (ce qui inclut pour eux « toutes les femmes LBTI et les personnes non binaires qui s'identifient ou sont perçues comme lesbiennes, bisexuelles ou queer »), elles forment les cinq grandes organisations de la société civile européenne militantes pour les droits des personnes LGBTIQ et transgenres. Ces organisations ont reçu des financements provenant de programmes de l'UE, de fondations de défense des droits humains et d'autres bailleurs de fonds philanthropiques, pour un montant total de plusieurs dizaines de millions d'euros au cours de la dernière décennie. Leurs liens institutionnels et financiers leur confèrent une influence considérable dans l'élaboration des normes et l'orientation des priorités politiques. Ces fonds, souvent sous la bannière des droits humains, de la démocratie, de l'égalité et de l'inclusion, soutiennent des actions stratégiques en matière de contentieux et de plaidoyer, des campagnes de lobbying et des activités de formation à grande échelle au sein des institutions européennes, de la société civile et des médias. Aujourd'hui, ces cinq grandes organisations jouent un rôle central dans l'élaboration de l'écosystème politique européen en matière d'identité de genre.


Outre ces groupes, de nombreuses organisations de défense des droits humains plus larges – œuvrant dans des domaines tels que les droits des femmes, la santé sexuelle et reproductive, l'asile, la défense des jeunes, la lutte contre la discrimination et le développement international – ont adopté à la fois un cadre transactiviste et l'identité de genre comme éléments centraux de leur travail. Que ce soit par le biais de conditions de financement, d'alignement politique ou de convergence idéologique, l'identité de genre est désormais considérée comme une évidence dans une grande partie du secteur européen de la société civile œuvrant pour les droits humains. Dans le même temps, il n'existe pratiquement aucune voix institutionnelle défendant les droits des femmes fondés sur le sexe, l'orientation sexuelle comme catégorie juridique distincte fondée sur le sexe biologique ou un cadre des droits humains fondé sur la réalité plutôt que sur l'identité autodéclarée. Cette asymétrie crée des lacunes critiques en matière de représentation et de responsabilité, réduisant au silence ceux qui ne sont pas d'accord avec le consensus institutionnel dominant.


Le cadre juridique non contraignant : Yogyakarta


Rédigés en novembre 2006 à Yogyakarta, en Indonésie, et officiellement lancés lors d'une session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies (ONU) en mars 2007, les Principes de Yogyakarta ont été élaborés par 29 défenseurs des droits humains, dont des universitaires, des juristes et d'anciens fonctionnaires de l'ONU, dans le but spécifique d'appliquer le droit international existant à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre. Ils ont défini l'identité de genre comme « une expérience interne et individuelle profondément ressentie du genre », intégrant cette formulation dans les obligations recommandées aux États, le comportement des médias et l'action des ONG. En novembre 2017, les Principes de Yogyakarta plus 10 (YP+10), une révision incluant l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles, ont été publiés.


Il convient de noter l'ajout du principe 31 du YP+10, qui appelle les États à mettre fin à l'enregistrement du sexe dans tous les documents juridiques, y compris les certificats de naissance et les passeports. Cette demande d'abolition du sexe en tant que catégorie juridique est en contradiction directe avec les cadres juridiques européens et internationaux en matière de droits humains, qui s'appuient sur des classifications fondées sur le sexe pour définir et appliquer des mesures de protection. Bien que non contraignants, les principes de Yogyakarta ont rapidement gagné en popularité après leur publication en 2007. En 2009, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe y a fait référence dans son document thématique intitulé « Droits de l'homme et identité de genre », exhortant les États membres du Conseil de l'Europe à aligner leur législation nationale sur le cadre des principes. Cela a marqué la première approbation officielle par un organisme européen des droits de l'homme et a jeté les bases de leur adoption dans des instruments juridiques non contraignants.


En 2015, Michael O'Flaherty, principal rédacteur et rapporteur des Principes de Yogyakarta, a été nommé directeur de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA), créant ainsi un lien institutionnel direct entre ces principes et l'architecture des droits de l'homme de l'UE. Sous sa direction, la FRA a intégré le cadre de Yogyakarta dans ses rapports analytiques et thématiques et ses recommandations politiques, donnant ainsi un élan, une légitimité et un poids institutionnel au concept d'identité de genre dans l'élaboration des politiques de l'UE. En 2019, le Parlement européen citait explicitement les principes originaux de Yogyakarta et leur mise à jour YP+10 dans des résolutions officielles, notamment dans son adoption d'une résolution sur les droits des personnes intersexuées (2018/2878(RSP)), qui faisait référence à ces principes comme textes faisant autorité. Cela a permis d'ancrer fermement les Principes de Yogyakarta et le cadre YP+10 dans le droit souple européen, en intégrant leur approche dans le langage de documents politiques non contraignants mais symboliquement puissants.


Du principe à la politique


À la fin des années 2000, les organisations transactivistes ont commencé à utiliser le Conseil de l'Europe (CoE) comme point d'entrée pour intégrer l'identité de genre dans le droit et la politique internationaux. En 2008, le Commissaire aux droits de l'homme du CoE, Thomas Hammarberg, a convoqué une réunion d'experts avec des organisations transactivistes, notamment ILGA-Europe et Press for Change UK. Leurs revendications – axées sur la reconnaissance juridique de l'auto-identification, l'accès aux services et la réforme institutionnelle – ont façonné le document de réflexion du commissaire, intitulé « Droits de l'homme et identité de genre » (2009), qui a présenté ces revendications comme des priorités dans le cadre international des droits de l’homme.


En 2010, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a publié la Recommandation CM/Rec(2010)5 sur les mesures visant à lutter contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, premier instrument institutionnel européen à mentionner explicitement l'identité de genre comme motif de protection contre la discrimination. Bien que la recommandation ne définisse pas explicitement ce terme, son annexe fait référence au changement de sexe, exhortant les États membres à supprimer les exigences médicales pour la reconnaissance légale du sexe, à faciliter des changements administratifs plus rapides et plus simples concernant le « nom et le sexe » d'une personne dans tous les documents, et à réviser la législation nationale, les systèmes de santé et les pratiques de collecte de données. La recommandation cite une évolution internationale récente : la déclaration commune de 66 États à l'Assemblée générale des Nations unies en 2008 et une intervention antérieure de la Norvège à la Commission des droits de l'homme des Nations unies en 2006 au nom de 54 États, qui appelaient toutes deux à une protection fondée sur l'identité de genre.

La recommandation a été rédigée par le Comité d'experts sur la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre (DH-LGBT), avec la participation officielle de l'ILGA-Europe et de Transgender Europe (TGEU) en tant qu'observateurs, ce qui leur a permis de s'impliquer dans un processus européen de normalisation de haut niveau et de garantir l'inclusion systématique des termes et concepts transactivistes. En 2011, ces efforts de plaidoyer ont abouti à l'inclusion de ces termes dans une loi contraignante. La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) a inclus l'identité de genre dans son champ d'application en matière de non-discrimination (aux côtés du sexe et du genre). ILGA-Europe a participé activement au processus de rédaction, en faisant pression pour cette inclusion. La même année, l'UE a adopté la directive relative aux conditions d'octroi d'une protection internationale (2011/95/UE), qui harmonise les normes en matière d'octroi d'une protection internationale. Elle reconnaît l'identité de genre comme un motif potentiel de persécution, obligeant les États membres à en tenir compte dans les procédures d'asile. Ensemble, ces mesures ont créé un nouveau cadre institutionnel permettant d'interpréter l'identité de genre comme une catégorie de droits, au-delà de la simple rhétorique anti-discrimination. Elles ont jeté les bases de son intégration dans les législations nationales, les pratiques administratives et le droit international non contraignant, souvent avec un contrôle législatif minimal, ancrant ainsi les définitions transactivistes dans les structures politiques officielles.


Expansion institutionnelle : une doctrine à l'échelle du système


Au sein des institutions européennes, une constellation d'agences influentes, d'organismes d'experts et de groupes consultatifs a propulsé l'identité de genre au cœur de la gouvernance publique. Au niveau de l'UE, l'Intergroupe du Parlement européen sur les droits des personnes LGBTIQ+ (fondé en 1997), un réseau informel mais très influent et actif regroupant environ 150 députés européens, a joué un rôle déterminant dans la rédaction de résolutions, l'organisation de débats très médiatisés – tels que la conférence « (Trans)Gender Equality? » en 2010 au Parlement européen – et à relayer les revendications des militants transgenres dans l'élaboration des politiques de l’UE.


Parmi eux, le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF), un groupe de pression basé à Bruxelles, s'efforce de mettre en place et de coordonner un réseau multipartite de plus de 300 parlementaires issus de 40 pays européens. Initialement axé sur les droits reproductifs, l'EPF a progressivement élargi son programme pour inclure l'identité de genre, en promouvant des politiques connexes dans toute l'Europe. Le soutien institutionnel est renforcé par les agences de l'UE, notamment l'Agence des droits fondamentaux (FRA) et l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (EIGE). Il s'agit de deux des plus de 30 organismes décentralisés dont le rôle principal est de conseiller la Commission européenne en matière de politique, et non d'interpréter le droit de manière extensive ou d'introduire des concepts juridiques par le biais de recommandations politiques.


La FRA a pour mission principale de lutter contre la discrimination en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Elle mène des recherches, publie des prises de position et fournit des orientations politiques aux institutions européennes et aux États membres, en mentionnant régulièrement l'identité et l'expression de genre comme des éléments essentiels des cadres relatifs aux droits humains. En 2009, la FRA a publié son premier rapport majeur incluant explicitement l'identité de genre (et faisant référence aux hommes travestis) comme motif de protection, intitulé Homophobie et discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans les États membres de l'UE (Partie II : La situation sociale), marquant une étape importante dans l'institutionnalisation de l'identité de genre dans l'analyse des experts de l'UE. En outre, le Conseil de l'Europe a publié son propre rapport complet en 2011, intitulé Discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre en Europe, qui s'appuyait sur les données de la FRA pour les États membres de l'UE et élargissait l'analyse à l'ensemble de la région du Conseil de l’Europe.


L'Eurobaromètre, une initiative d'enquête menée par la Direction générale de la communication, joue un rôle important dans la formation des perceptions. En ajoutant des catégories transgenres à ses enquêtes d'opinion sur la discrimination et l'acceptation des questions liées aux gays et lesbiennes, il a contribué à amplifier les cadres et les priorités des militants transgenres. En étroite collaboration avec la FRA, il contribue à une boucle de rétroaction entre les données et les politiques qui se renforcent mutuellement.


Expansion institutionnelle : une doctrine à l'échelle du système (suite)


L'EIGE a été créé en 2006 et est devenu opérationnel en 2010. Il a été mis en place pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et lutter contre la discrimination fondée sur le sexe grâce à des recherches indépendantes, des données et des outils politiques. Aujourd'hui, ses documents intègrent systématiquement l'identité de genre dans les définitions européennes de l'égalité entre les femmes et les hommes et de l'intégration de la dimension de genre. S'inspirant des principes de Yogyakarta et du langage de l'UE/du Conseil de l'Europe, l'EIGE définit l'identité de genre comme « l'expérience interne et individuelle profondément ressentie de chaque personne en matière de genre », y compris la perception et l'expression corporelles. En intégrant l'identité de genre dans sa terminologie et ses cadres, l'EIGE a de plus en plus lié les catégories sexuelles à l'identité autodéclarée plutôt qu'à la réalité biologique, sapant ainsi l'analyse des inégalités fondée sur le sexe et faussant les efforts visant à surveiller et à promouvoir l'égalité des genres. Dans le même temps, Eurostat, l'office statistique de l'UE, se trouve de plus en plus sous pression pour abandonner les classifications sexuelles binaires claires afin de tenir compte des identités de genre autodéclarées, malgré l'absence d'harmonisation juridique entre les États membres.


En 2014, le Parlement européen a adopté la Feuille de route contre l'homophobie et la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Au cœur de cette résolution figurait un appel lancé à la Commission, aux États membres et aux agences concernées de l'UE afin qu'ils élaborent conjointement une politique pluriannuelle globale (une feuille de route, une stratégie ou un plan d'action) visant à protéger les droits fondamentaux des personnes LGBTI. Six ans plus tard, cet appel a abouti au lancement de la stratégie de l'UE pour l'égalité des personnes LGBTIQ 2020-2025. 


La résolution a également étendu son champ d'application au-delà des frontières de l'UE : elle a exhorté la Commission, le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et les États membres à appliquer systématiquement les lignes directrices de l'UE en matière de droits de l'homme dans les pays tiers pour les questions liées à l'identité de genre. Parallèlement, plusieurs organes spécialisés et groupes de travail au sein du Conseil de l'Europe ont activement promu les concepts d'identité de genre, les transformant progressivement en catégories normatives de droits et de protection. Le Comité directeur des droits de l'homme (CDDH), principal organe intergouvernemental d'experts du Conseil de l'Europe, a rédigé la recommandation CM/Rec(2010)5, premier instrument européen à introduire l'identité de genre comme catégorie protégée, malgré l'absence d'une définition claire ou largement acceptée. Depuis lors, cette terminologie a gagné en popularité au sein des institutions. En 2023, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), un organe de surveillance du Conseil de l'Europe, a publié la recommandation de politique générale n° 17 sur la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des personnes LGBTI. Elle promeut explicitement la reconnaissance juridique de l'auto-identification, l'interdiction des pratiques de conversion liées à l'identité de genre et à l'expression de genre, ainsi que l'intégration de ce cadre idéologique dans les systèmes éducatifs nationaux.


L'unité « Orientation sexuelle, identité et expression de genre, et caractéristiques sexuelles » (SOGIESC) du Conseil de l'Europe (créée en 2014 sous le nom d'unité SOGI – orientation sexuelle et identité de genre) fait progresser ce programme en proposant des formations aux juges, aux procureurs, aux forces de l'ordre et aux organismes chargés de l'égalité dans tous les États membres. En intégrant les normes relatives à l'identité de genre dans les normes professionnelles, l'unité a contribué à ancrer des idées auparavant contestées dans les systèmes juridiques, administratifs, éducatifs et répressifs. Peu à peu, l'UE et le Conseil de l'Europe ont mis en place un réseau dense d'agences, d'organismes d'experts et d'acteurs institutionnels dont les résultats non contraignants exercent une influence considérable sur l'élaboration des politiques européennes et nationales. Grâce à des communications, des recommandations, des boîtes à outils et la collecte de données, ils fonctionnent comme un niveau parallèle de gouvernance. Bien qu'ils n'aient pas force de loi, ces instruments orientent les priorités en matière de financement et de formation, façonnent les messages publics et orientent les normes institutionnelles dans les États membres.


Glossaire de la gouvernance : La politique linguistique


Des termes tels que SOGI, SOGIESC, SOGICE, LGBTIQ+ (et leurs variantes), queer, non binaire, identité de genre, expression de genre et auto-identification sont passés du statut de slogans militants à celui de langage bureaucratique. Une fois intégrés dans les documents officiels, ces termes rendent l'élaboration des politiques opaque, inaccessible et difficile à contester. Il est impossible d'assurer la cohérence dans les écrits sur cette question, car les acronymes et les termes utilisés dans les nombreux documents, politiques et traités varient considérablement.


Ils sont également politiquement chargés en raison des intentions et des interprétations transactivistes qu'ils véhiculent : les caractéristiques sexuelles sont utilisées pour désigner les personnes intersexuées ; l'expression de genre pour inclure les personnes non binaires et non transitionnées mais s'identifiant comme transgenres ; et l'identité de genre comme raccourci pour désigner plus largement les personnes s'identifiant comme transgenres. Comme ces concepts eux-mêmes manquent de définitions claires et ne reposent pas sur une logique ou des preuves, il devient impossible de les examiner de près. L'absence d'évaluation d'impact significative sur les autres groupes concernés, tels que les femmes ou les enfants, nuit à la bonne gouvernance et rend les préjudices invisibles. Toute tentative de les remettre en question est rejetée comme un préjugé plutôt que d'être accueillie par un débat raisonné ou une contre-argumentation substantielle. Les institutions les traitent comme des faits établis, les rendant presque inévitables dans les discussions politiques. Cette dynamique donne du pouvoir à ceux qui maîtrisent le nouveau vocabulaire tout en marginalisant les autres, poussant le public à adopter le jargon et ses implications ou à risquer d'être rejeté comme ignorant, intolérant ou haineux.


Les facteurs qui ont conduit à la suppression du sexe en tant que catégorie politique et juridique en Europe


La suppression du sexe en tant que catégorie juridique et politique en Europe a été un processus complexe, motivé par le remplacement progressif du sexe par l'identité de genre et la fusion graduelle de l'identité de genre avec l'orientation sexuelle dans les textes politiques. À l'issue de cette ingénierie juridique, le sexe – ainsi que les données ventilées par sexe et les protections fondées sur le sexe – est appelé à perdre à la fois sa pertinence et sa légitimité aux yeux de la loi, répondant ainsi à une exigence centrale des Principes de Yogyakarta. Comme toute réforme politique, ce processus a dépendu de mécanismes institutionnels et d'acteurs concrets. Cependant, contrairement à d'autres changements politiques, la disparition du sexe a eu des conséquences sans précédent pour ceux qui l'ont remarquée et qui s'y sont opposés. Les militantes féministes de longue date et les militants pour les droits des lesbiennes et des gays ont été victimes de représailles, d'ostracisme et de retrait de fonds et de soutien institutionnel.


  1. Soutien de haut niveau aux revendications des militants Les Principes de Yogyakarta ont été adoptés pour la première fois en 2006 et présentés au Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2007. En 2017, les Principes de Yogyakarta plus 10 (YP+10) actualisés ont élargi leur champ d'application pour inclure l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles et ont appelé à la suppression des mentions de sexe dans les documents juridiques. En 2019, le Parlement européen a adopté une résolution sur les droits des personnes intersexuées, faisant explicitement référence aux deux documents.

  2. Influence des groupes d'intérêts particuliers : un petit groupe d'ONG transactivistes bien financées domine le débat et est devenu une force influente à Bruxelles et à Strasbourg. Elles reçoivent des financements importants de l'UE, agissent en tant qu'observateurs et experts dans des comités et des tables rondes, et fournissent des données et des arguments qui façonnent à la fois les initiatives législatives et les mesures non contraignantes.

  3. Mécanismes institutionnels En 2009, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a publié son premier rapport majeur interprétant l'identité de genre comme un motif protégé, marquant ainsi une étape importante dans l'intégration de ce concept dans la recherche et les orientations politiques de l'UE. Cinq ans plus tard, en 2014, le Conseil de l'Europe a créé son unité SOGI/SOGIESC, qui a commencé à mettre en place des formations destinées aux juges, aux procureurs, à la police, aux organismes chargés de l'égalité et au personnel administratif.

  4. Capture politique En 2020, la Commission européenne a lancé sa première stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ (2020-2025), promouvant l'auto-identification, l'interdiction des thérapies de conversion axées sur l'identité et l'expression de genre, et élargissant les lois sur les discours et les crimes haineux. En 2025, elle a donné suite à cette stratégie par une consultation publique afin de préparer la prochaine stratégie (2026-2030).

  5. Réforme juridique Dans son discours sur l'état de l'Union de 2020, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s'est engagée à introduire des lois européennes contre les discours et les crimes haineux, y compris la protection contre la « haine anti-LGBTIQ ». En 2024, elle a chargé la commissaire à l'égalité, Hadja Lahbib, de faire avancer cette initiative.

 

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Les États membres adoptent de plus en plus souvent des lois sur l'auto-identification juridique, souvent sous la pression de groupes transactivistes et dans la croyance erronée que de telles mesures sont exigées par le droit européen ou les droits de l’homme.


Confusion généralisée : la stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ


En novembre 2020, la Commission européenne a lancé la stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ 2020-2025, le premier cadre politique global de l'UE axé sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexuées et dites « queer ». Dirigée par la commissaire à l'égalité, Helena Dalli, cette stratégie promettait de construire « une Union de l'égalité », en intégrant les préoccupations des personnes LGBTIQ dans tous les domaines de compétence de l'UE, de l'emploi et l'éducation à la justice, la santé et les relations extérieures. Présentée comme une réponse à la montée de l'intolérance et des inégalités, cette stratégie définit un programme ambitieux : mettre en œuvre la reconnaissance juridique basée sur l'auto-identification, interdire les thérapies de conversion axées sur l'identité et l'expression de genre, élargir les lois sur les discours et les crimes haineux, et intégrer systématiquement les priorités liées à l'identité de genre dans l'élaboration des politiques, les instruments de financement, les pratiques institutionnelles, le suivi, la formation et la collecte de données. Derrière le discours sur l'inclusion et les droits se cache un changement important : l'institutionnalisation de l'idéologie de l'identité de genre dans la gouvernance de l'UE. Les termes définis par les militants sont de plus en plus considérés comme des catégories standard dans le droit, la politique et l'administration publique. La stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ sert d'outil central pour intégrer ce cadre dans les systèmes juridiques, les normes sociales et les pratiques institutionnelles.


Auto-identification à travers l’Europe


L'auto-identification sexuelle légale, qui était autrefois une revendication contestée des militants, est devenue la norme de facto dans une grande partie de l'Europe. Bien qu'elle ne soit pas imposée par une législation contraignante, la stratégie de l'UE en matière d'égalité des personnes LGBTIQ et les recommandations qui l'accompagnent soutiennent fermement les lois sur l'auto-identification et exhortent les États membres à les adopter. 

Depuis 2014, un nombre croissant d'États européens ont adopté des cadres explicites d'auto-identification, notamment le Danemark, Malte, l'Irlande, la Norvège, la Belgique, le Portugal, le Luxembourg, l'Islande, la Suisse, l'Espagne, la Finlande et l'Allemagne. Dans d'autres, comme la Suède, la Grèce et l'Autriche, les pratiques administratives, les réformes législatives ou les décisions de justice ont rendu le changement de sexe légal facilement accessible, même si dans certains cas, il reste soumis à une procédure judiciaire ou à une approbation formelle. Plusieurs de ces pays ont également introduit une troisième option, permettant d'enregistrer son sexe comme n'étant ni masculin ni féminin. Certains États, comme l'Espagne, la Suisse et l'Allemagne, autorisent l'auto-identification légale pour les mineurs, parfois dès l'âge de 12 ans avec le consentement des parents ou du tuteur. En Allemagne, il n'y a pas d'âge minimum si la déclaration est faite par un parent ou un tuteur légal au nom de l'enfant. Dans d'autres pays, l'accès peut être soumis à des conditions de résidence ou à des délais administratifs. L'Allemagne impose également des amendes pour la divulgation publique du changement de sexe légal d'une personne, dans le cadre de l'une des lois les plus larges d'Europe en matière d'auto-identification. Les pays européens adoptent de plus en plus souvent des lois sur l'auto-identification légale, souvent sous la pression de groupes transactivistes et dans la croyance erronée que de telles mesures sont exigées par le droit européen ou les droits de l'homme, souvent sans débat public et au détriment de la protection des enfants, des droits liés au sexe et de la cohérence juridique.


Interdiction des thérapies de conversion


Un autre objectif phare de la stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ est l'interdiction des thérapies dites « de conversion ». Cette pratique a une histoire sombre et ciblée, visant spécifiquement les lesbiennes et les gays. Sous couvert d'intervention médicale, psychologique ou morale, des médecins, des psychiatres, des institutions militaires et des autorités religieuses ont soumis des personnes attirées par le même sexe à des procédures brutales : lobotomies, électrochocs, aversion induite par des médicaments, castration chimique, viol et ablation forcée d'organes. Lorsque l'homosexualité a été déclassifiée comme un trouble dans la plupart des pays occidentaux, ces interventions violentes ont diminué, même si certains groupes conservateurs et religieux ont continué à affirmer que l'orientation sexuelle pouvait – et devait – être changée, ce qui en a fait une cible privilégiée pour les premiers militants LGB.


Aujourd'hui, cependant, la thérapie de conversion a pris un nouveau sens. Autrefois utilisé pour décrire les tentatives coercitives visant à modifier l'orientation sexuelle, ce terme est désormais largement appliqué à toute approche thérapeutique, parentale ou éducative qui ne reconnaît pas l'identité de genre déclarée par l'enfant. Cette extension a donné naissance à un cadre radicalement différent : plutôt que d'empêcher les traitements coercitifs, les interdictions exigent désormais souvent des professionnels qu'ils reconnaissent l'identité de genre déclarée par la personne, en particulier dans le cas des enfants et des adolescents. Dans de nombreuses juridictions, les interdictions concernent principalement les mineurs. Dans le même temps, les professionnels de la santé mentale continuent de jouer un rôle dans l'évaluation et l'autorisation des transitions juridiques ou médicales des individus. Cela place les cliniciens dans une situation difficile : soumis à une pression systémique pour affirmer l'identité déclarée, ils sont privés de la possibilité d'exercer leur jugement clinique. Le processus thérapeutique se réduit à l'affirmation, avec des conséquences graves pour les jeunes qui naviguent dans des paysages émotionnels et développementaux complexes.


De plus en plus de preuves suggèrent que de nombreux adolescents transgenres sont des jeunes non conformes au genre, souvent attirés par le même sexe, qui, au cours des décennies précédentes, auraient probablement grandi pour devenir des adultes lesbiennes ou gays. Ce qui équivalait autrefois à des tentatives de « guérir l'homosexualité » est devenu, dans certains cas, « faire disparaître l'homosexualité ». Plusieurs études montrent que les adolescents souffrant de dysphorie de genre présentent fréquemment des comorbidités psychiatriques et neurodéveloppementales, telles que le TDAH, les troubles du spectre autistique, la dépression, l'anxiété et les troubles alimentaires. La pression exercée sur les thérapeutes pour qu'ils confirment l'autodiagnostic d'un jeune sans exploration approfondie peut occulter ces besoins complexes et exclure les parents d'un dialogue constructif.


Ce changement a de profondes implications. En imposant des approches affirmatives de l'identité de genre autodéclarée, ces interdictions :


  • faire pression sur tous les professionnels de la santé mentale pour qu’ils adoptent uniquement une approche fondée sur l’affirmation.

  • éliminer les approches prudentes et exploratoires, telles que la « surveillance attentive », au profit d’une affirmation automatique.

  • obscurcir la nécessité d’évaluer et de traiter les comorbidités, ou de poser des diagnostics cliniques indépendamment de ce que rapporte le patient lui-même.

  • restreindre la formation et les orientations offertes aux professionnels (y compris les thérapeutes, les travailleurs sociaux et les intervenants en protection de l’enfance) en intégrant les modèles d’affirmation exclusive dans les normes professionnelles et les processus de certification.

  • affecter particulièrement les adolescents lesbiennes et gays, qui peuvent lutter contre l’homophobie intériorisée ou évoluer dans des milieux familiaux et sociaux hostiles, laissant leurs besoins inexplorés et les redirigeant à tort vers la transition.

  • exposer les parents, enseignants, éducateurs et professionnels de santé à d’éventuelles sanctions pénales ou administratives s’ils remettent en question l’affirmation immédiate ou cherchent une approche plus globale.

  • interdire tout financement public, direct ou indirect, des services ou organisations perçus comme contraires aux modèles fondés sur l’affirmation, même lorsque ceux-ci offrent un soutien neutre, exploratoire ou thérapeutique.


Le processus thérapeutique s'effondre dans l'affirmation, avec de graves conséquences pour les jeunes qui naviguent dans des paysages émotionnels et développementaux complexes.


Interdiction des thérapies de conversion (suite)


Malgré cette complexité, les résolutions européennes font référence à des pratiques de conversion fondées non seulement sur l'orientation sexuelle, mais aussi délibérément sur l'identité de genre, l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles, même si l'opinion publique considère encore largement ces pratiques comme des tentatives de suppression de l'homosexualité. Ce cadre élargi a été impulsé par le lobbying des militants transgenres et a rarement fait l'objet d'un débat ouvert et critique. Le premier État membre de l'UE à avoir introduit une interdiction nationale complète a été Malte (2016), suivi par l'Allemagne (2020), la France (2022), la Grèce (2022), l'Espagne (2023), la Belgique (2023), Chypre (2023) et le Portugal (2024). Des propositions de législation similaire ont été présentées en Pologne, en Irlande, en Autriche et aux Pays-Bas.


Bon nombre de ces lois ont des structures quasi identiques, car les militants transgenres et les législateurs ont copié le modèle maltais dans toutes les juridictions, intégrant des définitions et des sanctions étendues dans les cadres nationaux. Plusieurs structures nationales de défense des droits humains – telles que les institutions de médiation, les organismes de promotion de l'égalité et les instituts des droits humains – soutiennent ce processus en publiant des lignes directrices et en le présentant comme une obligation des gouvernements en matière de droits humains. Au niveau européen, la promotion de telles lois a pris un élan constant. Le Parlement européen a d'abord appelé à une interdiction dans une résolution de 2018 et a réitéré cette demande dans des communications politiques ultérieures. En 2023, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, a publié une déclaration appelant à l'interdiction légale des pratiques de conversion dans toute l’Europe.


En 2024, le Parlement européen a invité la Commission à examiner le cadre juridique de l'UE et les pistes possibles pour lutter contre les pratiques de conversion et les interdire au niveau de l'UE, ainsi qu'à inciter les États membres à interdire les pratiques de conversion fondées sur l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles (2023/2082(INI)). La même année, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a chargé la nouvelle commissaire à l'égalité, Hadja Lahbib, de mettre en œuvre cet objectif, en faisant de l'interdiction des thérapies de conversion une priorité absolue de l'UE dans la prochaine stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ.


Une transformation systémique


La stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ promeut l'intégration systématique de l'identité de genre dans tous les grands domaines politiques, au détriment du sexe, notamment :


Égalité,

où les cadres de lutte contre la discrimination sont redéfinis pour donner la priorité à l’identité de genre, tandis que le sexe, en tant que catégorie juridique distincte, est progressivement effacé.


Éducation,

où l’inclusion de thèmes liés à l’identité de genre est intégrée dans les programmes scolaires, et où les politiques d’auto-identification sont encouragées au sein des établissements scolaires.


Emploi,

où les formations en milieu de travail, les audits de diversité et les mécanismes de financement sont conditionnés à l’adoption de politiques et de pratiques internes fondées sur l’affirmation.


Santé,

où les soins dits “d’affirmation de genre” sont promus, tandis que le langage et les services fondés sur le sexe, notamment en santé reproductive, sont démantelés.


Justice,

où les définitions des discours et crimes de haine sont élargies pour inclure l’identité de genre, et où le personnel judiciaire est formé à ces concepts.


Forces de l’ordre,

où les agents sont formés aux notions de discours et crimes de haine (y compris la surveillance, le soutien aux victimes et la coordination institutionnelle avec les groupes transactivistes) afin de façonner les protocoles opérationnels et les cadres d’intervention.


Sport,

où l’auto-identification est autorisée dans les catégories de compétition fondées sur le sexe.


Collecte de données,

où les catégories de sexe sont remplacées par des identités de genre autodéclarées, y compris des catégories non binaires ou non définies.


La stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ est un plan directeur pour la transformation institutionnelle. Ses effets se répercutent dans tous les domaines qu'elle touche : redéfinition de ce qui caractérise une femme, de ce qui constitue une discrimination et des limites de la liberté d'expression légale. Il en résulte un modèle de gouvernance dans lequel la réalité matérielle cède la place à des affirmations non fondées, adoptées sans évaluation de leur impact sur d'autres groupes.


Il en résulte un modèle de gouvernance dans lequel la réalité matérielle cède la place à des affirmations non fondées, adoptées sans évaluation de leur impact sur d'autres groupes.


Le rôle des organismes chargés de l'égalité et de leurs réseaux


Le Réseau européen des organismes de promotion de l'égalité (EQUINET) est une plateforme basée à Bruxelles qui rassemble des organismes nationaux de promotion de l'égalité de toute l'Europe, avec des membres issus de tous les États membres de l'UE et de plusieurs pays du Conseil de l'Europe. Bien que cofinancés par la Commission européenne, ces organismes sont indépendants dans leurs activités, et la Commission ne peut ni diriger ni contrôler leur travail. EQUINET facilite la formation, la mise en réseau et la coordination entre les institutions membres.


Depuis près de 15 ans, EQUINET s'aligne de plus en plus sur la défense de l'identité de genre, notamment par le biais d'initiatives, de programmes de formation et de publications axés sur les personnes transgenres, exhortant les organismes de promotion de l'égalité à réinterpréter la législation sur l'égalité des genres sous l'angle de l'identité de genre. Ce changement résulte en grande partie de la création d'alliances avec des groupes militants transgenres au niveau national et avec ILGA-Europe au niveau européen, plutôt que de mandats imposés par l'UE. En 2009, EQUINET avait déjà mené une enquête pour évaluer le travail de ses membres sur les questions transgenres. L'année suivante, elle a publié un rapport contenant des recommandations à l'intention des organismes chargés de l'égalité afin qu'ils intègrent les questions transgenres dans leurs mandats, les rendent visibles, s'engagent activement auprès des parties prenantes et mènent des actions stratégiques pour faire évoluer la législation. Cette ligne d'action a été réitérée dix ans plus tard dans la note d'orientation 2020 d'EQUINET sur l'égalité des personnes transgenres et intersexuées.


EQUINET a également conseillé à l'UE de mentionner explicitement les personnes transgenres dans les directives sur l'égalité de traitement, de promouvoir l'identité de genre dans les stratégies en faveur de l'égalité et de soutenir les efforts de défense des droits des personnes transgenres au niveau des États membres. Depuis 2010, il continue d'organiser des réunions de haut niveau et des tables rondes avec des représentants du Parlement européen, de la Commission européenne, de la FRA, de l'EIGE, des organismes nationaux de promotion de l'égalité et des ONG militantes pour les droits des personnes transgenres afin de coordonner la stratégie et la mise en œuvre. Avec l'adoption de la directive (UE) 2024/1499 du Conseil et de la directive (UE) 2024/1500, les organismes nationaux chargés de l'égalité disposeront de mandats plus forts et devront désormais appliquer la législation européenne en matière de discrimination fondée sur le sexe d'une manière qui inclut l'identité de genre, l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles. Cela devrait renforcer l'influence d'EQUINET sur la manière dont la législation anti-discrimination est comprise et appliquée dans les États membres. Beaucoup dépendra de la manière dont ces directives seront mises en œuvre dans la pratique.


Le cadre relatif aux discours haineux


Les premières initiatives européennes visant à lutter contre les discours haineux remontent au milieu des années 1990, lorsque le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté la recommandation R(97)20 sur les discours haineux en 1997. Ces premiers cadres réglementaires visaient principalement à lutter contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, reflétant ainsi le consensus européen d'après-guerre sur la lutte contre la violence et la discrimination ethno-nationalistes. Ils ont été suivis par d'importants efforts de sensibilisation, notamment le mouvement « No Hate Speech » (2013), qui ciblait la haine en ligne et impliquait des jeunes âgés de 13 ans et plus dans tous les États membres. Parallèlement, les féministes ont mené des campagnes de sensibilisation à la violence à l'égard des femmes – notamment la pornographie, le harcèlement de rue et les féminicides – en mettant l'accent sur le sexe comme caractéristique motivante.


Cependant, alors que le sexe n'est toujours pas largement reconnu comme un facteur dans les crimes haineux, la campagne a élargi la portée des efforts de lutte contre les discours haineux, dans lesquels l'intolérance envers les personnes LGB a été confondue avec des notions indéfinies d'identité de genre sous le terme générique LGBT. En 2015, l'Alliance parlementaire contre la haine a été créée, réunissant des parlementaires de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et du Parlement européen afin de lutter contre toutes les formes de haine, y compris la « LGBTI-phobie », par le biais d'auditions, de conférences et de campagnes de sensibilisation du public. La question a fait l'objet d'une attention institutionnelle accrue en 2019, lorsque le Parlement européen a adopté une résolution condamnant la création de « zones sans LGBTI » en Pologne. C'était la première fois que le Parlement abordait la question de la discrimination et des discours haineux visant des personnes qu'il considérait comme appartenant à la communauté LGBTI, appelant à une action coordonnée aux niveaux national et européen.


Dans son discours sur l'état de l'Union de 2020, la présidente de la Commission européenne, Ursula vonder Leyen, a annoncé son intention d'étendre la liste des crimes européens visés à l'article 83 du TFUE afin d'y inclure les discours et les crimes haineux, couvrant explicitement des motifs tels que « la sexualité et le genre ». Par ailleurs, en 2021, le Parlement européen a adopté une résolution (2021/2035(INL)) demandant que la violence fondée sur le genre (VFG) soit ajoutée à la même liste de crimes européens, en la définissant comme incluant la violence fondée sur l'identité de genre, l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles. Ces deux initiatives reflètent une tendance plus large : élargir le droit pénal de l'UE sous la bannière de la lutte contre la discrimination et de l'inclusion, tout en intégrant des catégories contestées au plus haut niveau de protection juridique. Bien que présentées comme des mesures visant à protéger les minorités, ces propositions soulèvent de sérieuses préoccupations quant à la clarté juridique, la liberté d'expression et le droit à la non-conformité idéologique.


La volonté d'intégrer ces catégories dans le droit pénal européen a trouvé un écho dans la stratégie de la Commission européenne pour l'égalité des personnes LGBTIQ 2020-2025, qui demande également que les discours et les crimes haineux fondés sur l'identité de genre, l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles soient ajoutés à la liste des crimes européens. La notion de haine anti-LGBTIQ est conceptuellement lourde de sens. Elle regroupe sous une même appellation, qui n'a pas été examinée, des populations diverses dont les droits et les intérêts sont contradictoires. L'utilisation d'étiquettes telles que « anti-queer », « anti-LGBTIQ » ou « LGBTIQ-phobie » occulte les conflits substantiels qui existent au sein de ces catégories. Par exemple, les lesbiennes qui s'opposent à ce que des hommes hétérosexuels s'identifient comme lesbiennes et accèdent à des espaces réservés aux lesbiennes sont présentées comme des auteurs de haine, même lorsque leurs objections sont fondées sur des droits liés au sexe, leur statut de femmes attirées par les personnes du même sexe et leur refus de se conformer à des fictions juridiques qui empiètent sur leur capacité à s'associer, à défendre, à rechercher des financements et à s'organiser autour de droits et d'intérêts spécifiques aux lesbiennes.


En effaçant ces distinctions, le discours de l'UE ignore les changements internes au sein de ce qui est présenté comme un mouvement unique, une communauté imaginaire et le successeur présumé du mouvement original pour les droits des personnes LGB. Il s'est transformé en un mélange vague d'individus et d'identités, confondant identité de genre et orientation sexuelle. Les désaccords politiques sont traités comme de l'hostilité et le débat ouvert est étouffé, laissant les lesbiennes et les gays abandonnés lorsqu'ils s'opposent à la propagation de l'idéologie de l'identité de genre dans leur vie et dans la société. Il s'impose également aux défenseurs des droits des femmes, aux journalistes, aux éducateurs, aux chercheurs et aux acteurs politiques qui ont des opinions différentes, leur refusant l'espace nécessaire à la dissidence, aux reportages fondés sur des faits, à l'enseignement fondé sur des preuves, à la recherche scientifique, à la réflexion philosophique, à la défense du féminisme ou même au devoir fondamental de diligence. Au fil du temps, l'UE, le Conseil de l'Europe et leurs institutions ont intégré les questions liées à l'orientation sexuelle, l'identité et l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles (SOGIESC) dans leurs cadres de lutte contre la haine, à travers leurs politiques, leurs rapports et leurs programmes. Les efforts actuels pour remédier à cette situation comprennent le financement d'un portefeuille croissant de projets tels que des kits pédagogiques, des manuels de formation pour la police, le développement de systèmes de surveillance et de signalement, et des campagnes dans les médias numériques.


Cela signifie que les écoles, les universités, les médias, les autorités publiques, la société civile, la police et le pouvoir judiciaire sont régulièrement formés pour fonctionner dans un cadre étroit de discours acceptable, où le fait de ne pas reconnaître l'identité de genre – que ce soit de manière générale ou en tant que sentiment intime déclaré par un individu – peut donner lieu à des plaintes officielles, des enquêtes, des mesures disciplinaires ou une humiliation publique. La critique du système de croyances lié à l'identité de genre est de plus en plus qualifiée de discours haineux, même lorsqu'elle est factuelle, fondée sur des preuves et respectueuse. Ce qui était autrefois conçu pour prévenir l'incitation à la violence ou au harcèlement et protéger les groupes vulnérables est devenu un mécanisme visant à imposer la conformité idéologique, dissuadant les individus et les institutions de s'en écarter, de peur d'être qualifiés de haineux et de subir des conséquences tangibles.


Jurisprudence et stratégie judiciaire


La jurisprudence désigne les décisions judiciaires qui interprètent et appliquent le droit à des situations spécifiques. Ces décisions créent des précédents et peuvent influencer la manière dont les affaires futures, voire la législation, seront abordées dans les différentes juridictions. Le recours stratégique aux tribunaux est depuis longtemps utilisé par un large éventail de groupes d'intérêt, notamment les défenseurs des droits des femmes, les conservateurs et les acteurs religieux, pour influencer les normes juridiques et les politiques publiques, qu'il s'agisse des droits reproductifs, de l'égalité salariale, du droit du travail ou de l'asile. Il a joué un rôle clé dans la lutte pour les droits des personnes LGB, notamment la dépénalisation de l'homosexualité, la légalisation du mariage entre personnes du même sexe, les droits à l'adoption et la protection contre la discrimination dans l’emploi.


Au cours des dernières décennies, les militants transgenres travaillant avec des avocats se sont largement appuyés sur cette approche et ont utilisé les tribunaux pour créer des précédents dans des domaines tels que l'emploi, la reconnaissance juridique du sexe, la protection des données, la liberté de circulation et l'accès aux biens et services. L'objectif était d'ancrer les normes relatives à l'identité de genre dans la loi par le biais d'interprétations judiciaires, souvent en contournant le débat public ou le processus législatif, puis de transposer ces précédents dans les contextes nationaux afin de les établir comme nouvelles normes juridiques à travers l'Europe. Les deux plus hautes juridictions européennes, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), ont toutes deux rendu des arrêts qui redéfinissent progressivement les protections fondées sur le sexe à travers le prisme de l'identité de genre. Les décisions de la CJUE sont contraignantes pour les États membres de l'UE. Les tribunaux nationaux doivent les appliquer lorsqu'ils interprètent le droit de l'UE, et les parlements sont tenus d'aligner leur législation nationale sur les décisions de la CJUE. En revanche, les arrêts de la CEDH ne sont contraignants que pour le pays concerné par l'affaire spécifique en vertu de l'article 46 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais leur raisonnement juridique plus large est très influent et fréquemment cité dans les décisions nationales et le raisonnement juridique au niveau de l’UE.


Bien que leurs mandats diffèrent, les deux cours sont étroitement liées : la CJUE s'appuie souvent sur les décisions de la CEDH, et une fois que l'UE aura officiellement adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme (une obligation juridique prévue par le traité de Lisbonne), la jurisprudence de la CEDH deviendra contraignante pour l'ensemble de l'UE. Cela risque de renforcer les normes relatives à l'identité de genre dans la jurisprudence de l'UE, à moins que la jurisprudence future ne réaffirme la pertinence des droits fondés sur le sexe. 


Bien que leurs mandats diffèrent, les deux cours sont étroitement liées : la CJUE s'appuie souvent sur les décisions de la CEDH, et une fois que l'UE aura officiellement adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme (une obligation juridique prévue par le traité de Lisbonne), la jurisprudence de la CEDH deviendra contraignante pour l'ensemble de l'UE. Cela risque de renforcer les normes relatives à l'identité de genre dans la jurisprudence de l'UE, à moins que la jurisprudence future ne réaffirme la pertinence des droits fondés sur le sexe. Parmi les décisions jurisprudentielles européennes notables en matière d'identité de genre, on peut citer la reconnaissance par la CJUE de la discrimination dans l'emploi fondée sur le changement de sexe en vertu de la directive européenne sur l'égalité de traitement (affaire P c. S et Cornwall County Council, affaire C-13/94), ainsi qu'un arrêt exigeant la reconnaissance des changements de sexe légaux effectués dans d'autres États membres de l'UE aux fins de l'exercice du droit à la libre circulation (Mirin, affaire C-4/23). Parallèlement, la CEDH a façonné le cadre juridique avec des décisions sur la reconnaissance juridique dans les documents officiels (Goodwin c. Royaume-Uni, 2002), interdisant la stérilisation obligatoire ou les exigences médicales pour la reconnaissance juridique du sexe (A.P., Garçon et Nicot c. France, 2017) et confirmant à plusieurs reprises l'identité de genre comme un motif protégé en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. France, 2017 ; Y.Y. c. Turquie, 2015), et en confirmant à plusieurs reprises que l'identité de genre est un motif protégé par la Convention européenne des droits de l'homme. Complétant la jurisprudence de la CEDH, le récent arrêt Deldits (C-247/23) a estimé qu'en vertu de la législation européenne sur la protection des données, les individus ont le droit de demander la modification de la mention du sexe dans les registres officiels, même sans avoir subi d'intervention chirurgicale ou suivi de procédure officielle de reconnaissance juridique. Grâce à un activisme juridique soutenu, les décisions judiciaires sont devenues un moyen de faire progresser les normes en matière d'identité de genre à travers l'Europe et d'ancrer la doctrine de l'identité de genre dans le droit national, sans évaluation d'impact, débat public ou responsabilité politique.


Exporter les normes relatives à l'identité de genre à l'échelle mondiale


Au cours de la dernière décennie, l'action extérieure de l'UE est devenue un puissant vecteur d'intégration de l'identité de genre, de l'expression de genre et des caractéristiques sexuelles en tant que catégories protégées – un héritage des principes de Yogyakarta, que l'UE a adoptés malgré leur caractère non contraignant et leurs contradictions avec le droit européen en matière de discrimination fondée sur le sexe et d'égalité entre les femmes et les hommes.


L'UE a rejoint très tôt le CoreGroup LGBTI des Nations unies en tant qu'observateur. Ce groupe est une coalition influente d'États et d'ONG qui promeut les droits des personnes LGBTI au niveau intergouvernemental. En 2013, l'UE a adopté ses lignes directrices LGBTI pour les relations extérieures, un document extrêmement détaillé qui demande aux délégations de l'UE de participer aux événements Pride, d'accueillir des initiatives LGBTI et d'intégrer les revendications LGBTI dans les déclarations diplomatiques. Ces lignes directrices complètent d'autres instruments de politique étrangère, notamment : l'agenda de l'UE pour la diversité et l'inclusion du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), qui promeut à l'étranger des cadres fondés sur l'identité de genre, et le plan d'action de l'UE en matière d'égalité entre les hommes et les femmes (GAP). Alors que le GAP était initialement conçu pour promouvoir l'égalité entre les sexes, il est désormais lu en conjonction avec la stratégie de l'UE en matière d'égalité des personnes LGBTIQ. Cela introduit l'identité de genre dans la coopération au développement, brouillant les catégories sexuelles et sapant les efforts visant à lutter contre les inégalités et la violence fondées sur le sexe. Le Conseil de l'Europe a adopté des approches similaires. En 2020, le réseau européen des points focaux gouvernementaux LGBTI, lancé à l'origine comme une initiative informelle néerlandaise, a été officialisé sous l'égide de l'unité SOGI. Il comprend désormais 38 États membres, l'UE, des ONG transactivistes et des organisations internationales telles que l'ONU et la Banque mondiale. Ensemble, ces acteurs coordonnent les développements juridiques et politiques afin de faire progresser les normes en matière d'identité de genre.


L'UE reste le plus grand donateur mondial en matière de développement. Grâce à des initiatives mondiales telles que l'initiative Spotlight des Nations unies, elle a eu l'occasion de réaffirmer l'importance du sexe en tant que catégorie juridique conformément au droit de l'UE. Au lieu de cela, elle a exporté une confusion juridique, en promouvant l'identité de genre tout en érodant le langage et les protections fondés sur le sexe. Dans le cadre d'un projet financé par l'UE en Inde, 425 personnes, principalement des hommes, ont obtenu un changement de sexe légal par simple déclaration. Dans un pays où le taux de violence sexuelle à l'égard des femmes est l'un des plus élevés et où l'homophobie reste très répandue, de telles interventions risquent de causer de graves préjudices. Il ne s'agit pas d'un cas isolé, mais d'un changement plus général dans lequel le financement, la pression diplomatique, les réseaux institutionnels et les stratégies politiques sont utilisés pour mondialiser les normes d'identité de genre sous la bannière des droits de l’homme.


Aller de l'avant avec clarté et courage


Ce rapport décrit l'ampleur et la portée d'une transformation souvent niée, minimisée ou mal comprise. L'évolution vers des normes d'identité de genre dans les institutions européennes a redéfini les concepts fondamentaux du droit, des droits et de la participation démocratique, souvent sans clarté, sans consentement et sans responsabilité. Les processus démocratiques sont compromis. Les droits humains sont redéfinis. La liberté d'expression est restreinte. Les espaces réservés aux femmes disparaissent. Les droits des lesbiennes et des homosexuels sont érodés. Les enfants et les adolescents se voient refuser des soins et une protection adaptés à leur âge. L'éducation est prise en otage par l'idéologie. Les données sur la santé des femmes et les violences sexuelles deviennent peu fiables. La concurrence loyale dans le sport s'effondre. Les soins de santé sont compromis. Les statistiques fondamentales sont faussées. Nous pensons qu'il est temps de réagir. C'est pourquoi nous lançons le Forum Athena : une initiative européenne pour les droits liés au sexe, les valeurs démocratiques et le courage politique. Il rassemble les réseaux, les stratégies et les preuves que le moment actuel exige. Il s'agit d'une entreprise monumentale, et nous ne pouvons la mener à bien seuls. Que vous soyez décideur politique, défenseur, journaliste, chercheur ou citoyen concerné, votre soutien fait la différence. Exprimez-vous. Partagez ce travail. Utilisez-le dans vos réseaux, vos réunions et vos débats. Informez vos représentants des questions qu'il soulève.

Le sexe compte

Insistez sur l’emploi d’un langage clair fondé sur le sexe dans la loi et les politiques publiques. Exigez que les droits fondés sur le sexe des femmes ainsi que des lesbiennes et des hommes gays soient protégés. Ne remplacez pas ces protections par la notion d’identité de genre.


La protection nécessite des limites

Insistez sur des définitions claires qui protègent les enfants, respectent les frontières fondées sur le sexe et préservent la cohérence institutionnelle.


La démocratie appartient à tous

Opposez-vous à l’élaboration de politiques en coulisses. Exigez un débat public avant que quiconque ne tente de réécrire les fondements du droit, des libertés et des protections.


La transparence révèle l’influence

Demandez la transparence concernant les flux de financement des groupes militants, les réseaux d’influence informels et les forums politiques à huis clos.


Le désaccord n’est pas de la haine

La liberté d’expression comprend le droit de ne pas être d’accord. Exigez des définitions précises et limitées du discours de haine, qui protègent la dignité sans criminaliser les opinions.


Faites entendre votre voix.


Nos valeurs


Le sexe est réel et immuable

Nous reconnaissons les droits fondés sur le sexe comme essentiels aux protections juridiques et sociales.


Intégrité corporelle des enfants et des adolescents

Nous affirmons le droit des mineurs à être protégés contre des interventions médicales prématurées ou motivées idéologiquement.


Politiques fondées sur des preuves

Nous insistons pour que les politiques publiques reflètent la réalité matérielle et soient guidées par des données solides et des mécanismes de responsabilité.


Liberté d’expression et débat ouvert

Nous défendons la liberté de discuter de questions complexes, même lorsqu’elles sont inconfortables, controversées ou contestées.


Indépendance et neutralité politique

Nous ne sommes affiliés à aucun parti politique ni à aucun groupe d’intérêts particuliers, et nous accueillons des points de vue issus de l’ensemble du spectre politique.


Dialogue respectueux

Nous dialoguons de bonne foi, en discutant et en remettant en question les idées — non les individus. Le désaccord n’est pas de la haine, et nous rejetons toute forme d’abus ou de discrimination.


Valeurs démocratiques et droits humains universels

Nous croyons que chacun, y compris les personnes s’identifiant comme trans, a le droit de vivre dans la dignité et sans discrimination, et nous soutenons une gouvernance démocratique fondée sur le pluralisme et l’engagement civique.

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