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Regarder les soins d’affirmation de genre à travers le prisme de la justice

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    La Petite Sirène
  • il y a 6 jours
  • 7 min de lecture

Jilles Smids

Pages 84-87 - The American Journal of Bioethics - Volume 25, 2025

Publié en ligne : 6 juin 2025



Trad. Chat GPT DeepL


L’article principal de Kirby inclut à juste titre la « justice » comme un prisme éthique important à travers lequel examiner les questions et controverses entourant les soins d’affirmation de genre (SAG) pédiatriques (Kirby, 2025). Comme le note Kirby, la dysphorie de genre (DG) est bien réelle, et les jeunes qui en souffrent ont de véritables besoins en matière de santé. Par conséquent, en termes de justice, les sociétés doivent leur fournir des soins de santé appropriés. Néanmoins, ce commentaire discutera de deux problèmes fondamentaux dans l’analyse de Kirby. Premièrement, pour que des soins de santé donnent lieu à un droit fondé sur la justice, ils doivent être fondés sur des preuves. Or, les preuves soutenant les SAG médicalisés sont très faibles. Deuxièmement, l’application la plus importante que fait Kirby du principe de justice formelle dans le but de défendre la fourniture systématique de SAG échoue.


Les théories de la justice en santé partent généralement du principe que les soins de santé améliorent effectivement la santé (par exemple Daniels, 2001). La justice en matière de soins de santé consiste à répondre équitablement à de véritables besoins sanitaires à l’aide de soins adéquats. Par conséquent, les sociétés n’ont pas d’obligations fondées sur la justice de financer publiquement les SAG médicaux lorsqu’il n’y a pas suffisamment de preuves que ces soins améliorent globalement la santé et le bien-être des jeunes souffrant de DG. Bien au contraire : la justice en santé implique une obligation pour la société de les protéger contre des traitements médicaux qui, globalement, pourraient probablement leur nuire.


Kirby tente d’établir que les SAG améliorent le bien-être des jeunes. Plutôt que de s’appuyer sur les nombreuses revues systématiques déjà réalisées par des experts, il propose sa propre revue narrative succincte. Il commence ainsi : « Les études observationnelles suivantes à court et moyen terme ont démontré que l’usage des SAG améliore le bien-être et les résultats en santé mentale des personnes transgenres et de genre diversifié » (p. 61, nous soulignons). Le mot « démontré » suggère l’existence de preuves solides et le verbe actif « améliore » implique une causalité. Il discute ensuite les deux études néerlandaises de référence de de Vries et al. (2011, 2014). Toutefois, ce sont des études non contrôlées et, par définition, elles ne peuvent démontrer une efficacité causale (Van Breukelen, 2025). De plus, ces études ont récemment perdu leur crédibilité en raison de problèmes méthodologiques substantiels identifiés, dont un biais de sélection sévère et l’utilisation d’une échelle de mesure de la DG invalide (Abbruzzese, Levine et Mason, 2023). De manière similaire, plusieurs autres études citées par Kirby pour appuyer les SAG présentent des limites méthodologiques claires — par exemple, trois sont des études transversales. Si Kirby s’était appuyé sur les revues systématiques existantes prenant en compte ces méthodologies et leurs limites, sa conclusion générale aurait été très différente. La plus récente, menée par une équipe de l’Université McMaster, conclut que « Les meilleures données disponibles sur les effets des bloqueurs de puberté chez les personnes souffrant de DG sont de très faible certitude et nous ne pouvons donc exclure ni bénéfices ni risques » (Miroshnychenko et al., 2025, p. 6).


Dans la section « Justice », l’article utilise à plusieurs reprises le principe de justice formelle, qui exige que les cas semblables soient traités de manière semblable. Il affirme surtout que « les opposants aux SAG » violent ce principe en appliquant des normes de preuve plus strictes aux SAG qu’à d’autres traitements pédiatriques (p. 65). Ces opposants seraient coupables de « méconnaître » ou de « promouvoir intentionnellement la désinformation ou la mésinformation concernant la nature et les types de recherches pouvant et devant éclairer les soins d’affirmation de genre chez les jeunes » (p. 65). Hillary Cass est explicitement mentionnée comme l’une de ces opposantes, accusée de problématiser l’absence d’essais randomisés contrôlés (ERC) dans les SAG. Malheureusement, l’article ne fournit aucune référence pour étayer cette accusation grave. Ce que la revue Cass fait, c’est simplement constater l’absence d’ERC et expliquer en quoi cela contribue à l’état faible des preuves (Cass Review, 2024). Cass ne prétend pas que seuls les ERC peuvent fournir des preuves de qualité suffisante.


En réalité, Cass et Kirby semblent s’accorder sur les moyens d’améliorer les bases factuelles des SAG sans recourir à des ERC. Cass souligne l’importance du suivi à long terme et s’est clairement dite déçue que les services de genre pour adultes du NHS aient refusé de coopérer à une vaste étude rétrospective portant sur « 9 000 jeunes ayant bénéficié de services d’identité de genre » (p. 32), prévue dans le cadre de sa revue. Et selon Kirby : « Le programme de recherche sur les SAG pour les jeunes devrait être renforcé intentionnellement afin d’encourager et soutenir la réalisation d’études longitudinales rigoureuses et mixtes » (p. 68). Ce dont le domaine a besoin, ce sont effectivement des études de cohorte prospectives bien conçues, à long terme, avec de plus grands échantillons (voir Cheung et al., 2025 ; Clayton, 2025 ; Gorin, Smids et Lantos, 2025), utilisant les vastes bases de dossiers médicaux existants, comme ceux de la clinique pionnière d’Amsterdam (Abbruzzese, Levine et Mason, 2023), et explorant des méthodologies novatrices comme les quasi-expériences comparant des cohortes dans des pays privilégiant les interventions non médicales à d’autres proposant systématiquement bloqueurs de puberté (BP) et hormones croisées comme traitements de première intention (Van Breukelen, 2025). Contrairement à ce qu’affirme Kirby, donc, ceux qui s’inquiètent de l’état actuel des preuves ne prétendent pas que seuls les ERC peuvent justifier les SAG.


Pour soutenir que soumettre les SAG à des normes de preuve anormalement élevées constitue une injustice formelle, l’article affirme que « [e]nviron 75 % des médicaments prescrits aux enfants sont utilisés hors AMM sans soutien de preuves issues d’ERC », sans fournir de référence (p. 66). Mais cet argument néglige l’importance cruciale de prendre en compte le type spécifique d’usage hors AMM (voir Cass Review, 2024). Kirby évoque les preuves relatives aux BP prescrits pour la puberté précoce, mais il ignore des différences cruciales. La puberté précoce a une histoire naturelle bien connue et, contrairement à la DG, peut être diagnostiquée par des critères biologiques mesurables. La suppression pubertaire dans ce cas vise à rétablir un taux hormonal normal pour l’âge, pour une durée limitée, jusqu’à ce que la puberté naturelle prenne le relais. Chez les enfants avec DG, les niveaux hormonaux normaux pour l’âge sont supprimés, ce qui bloque le développement physique et psychosexuel approprié, soulevant la crainte que les BP « verrouillent » les jeunes dans leur DG et les orientent automatiquement vers les hormones croisées.


L’article déforme également la littérature sur les risques des BP. Il affirme que, pour la puberté précoce, les BP ont été « largement étudiés pendant de nombreuses années », en citant Budge et al. (2024). Or, il ne s’agit pas d’un article médical pertinent sur la puberté précoce, mais d’un commentaire défendant les SAG comme étant fondés sur des preuves. En vérifiant les sources de Budge et al., on trouve une déclaration consensuelle d’endocrinologues pédiatriques affirmant que « [p]eu d’études prospectives contrôlées ont été réalisées avec les BP chez les enfants, et de nombreuses conclusions reposent en partie sur l’avis collectif d’experts » (Carel et al., 2009, p. e752) — soit exactement l’inverse de ce que prétend Kirby. De même, Kirby affirme qu’il n’existe « aucun signal d’alarme indiquant des effets secondaires dangereux ou des résultats négatifs en santé qui empêcheraient [l’usage des BP] dans le cadre des SAG » (p. 66). Pourtant, sa source, Krishna et al. (2019), exprime des inquiétudes claires concernant le développement osseux, indiquant qu’« on ignore combien de temps les GnRHa peuvent être administrés sans danger » et soulève également des préoccupations au sujet du développement cérébral et de la fertilité (p. 365).


Pour revenir à la justice en santé, une observation importante a été faite par Hilary Cass. Elle note que « ce groupe de jeunes a été traité de manière exceptionnelle comparé à d’autres jeunes présentant des tableaux cliniques complexes similaires » (p. 66). Autrement dit, on s’est trop focalisé sur le genre au détriment d’autres problèmes potentiellement concomitants. De plus, des standards de preuve plus bas ont été appliqués aux soins de genre qu’à d’autres domaines de soins. Cass souligne que les adolescents souffrant de DG méritent de recevoir des soins holistiques de la même qualité que ceux proposés aux jeunes atteints d’autres troubles. Étant donné la faiblesse des preuves soutenant les SAG médicaux, ces soins holistiques priorisent généralement les interventions non médicales, telles que les approches psychosociales visant à réduire la détresse et à traiter les conditions associées. Comme l’explique Cass, ces interventions ne constituent pas une thérapie de conversion.


En conclusion, bien que l’intégration par Kirby de la « justice » comme cadre d’analyse éthique des SAG soit en soi pertinente, son analyse concrète est profondément problématique. Les sociétés ont l’obligation, en vertu de la justice, de répondre aux besoins de santé des jeunes souffrant de DG en leur fournissant les meilleurs soins disponibles fondés sur des preuves, de manière holistique. Dans l’état actuel des connaissances, les SAG ne remplissent pas ces critères. Par conséquent, restreindre l’accès aux SAG à un contexte de recherche n’est pas une violation de la justice en santé, mais une exigence de celle-ci. Enfin, ce commentaire a mis en lumière de graves problèmes dans l’interprétation que fait Kirby de la littérature médicale et son manque évident de compréhension des principes et pratiques de la médecine fondée sur les preuves. Kirby accuse Hilary Cass et sa revue de diffuser de la « désinformation/mésinformation » (p. 65) et de faire preuve de « biais idéologique et de mauvaise foi » (p. 66). Pourtant, pour étayer son attaque, il s’appuie sur un document non évalué par les pairs, le white paper de McNamara et al. (2024), qui a été démontré comme profondément erroné (voir par exemple Cheung et al., 2025), alors que l’analyse approfondie de 263 pages de Cass repose sur pas moins de huit revues systématiques évaluées par des pairs et spécialement commandées. Kirby devrait présenter ses excuses.



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