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Spotlight de l'OPS - La Cass Review : Distinguer les faits de la fiction

  • Photo du rédacteur: La Petite Sirène
    La Petite Sirène
  • 20 juin
  • 8 min de lecture

Par Beryl Koener, membre du bureau de l'OPS, docteure en médecine, psychiatre infanto-juvénile et docteure en neuropsychopharmacologie


La Cass Review : Distinguer les faits de la fiction

Camilla Kingdon, Nicola Stingelin-Giles & Hilary Cass

Pages 5–10 The American Journal of Bioethics - Volume 25, 2025

Publié en ligne : 6 juin 2025



Contexte


Certaines critiques de la Cass review ont été publiées depuis sa parution[1]. Celles-ci ont été largement réfutées par plusieurs auteurs[2], qui ont corrigé les affirmations erronnées de ces critiques. Cependant, malgré ces corrections, de nouvelles publications continuent de reprendre les arguments erronés des critiques formulées[3].

 

L’objectif de cette présente publication intitulée « The Cass Review; Distinguishing Fact from Fiction » est de rappeler le contexte de la Cass review, sa méthodologie, et ses recommandations, dans l’objectif encore une fois de corrigr les affirmations erronnées émanant des contradicteurs véhiculant non seulement des informations biaisées mais des interprétations inadéquates de la Cass review.

 

Introduction


« L'histoire de la médecine est jalonnée de désaccords […], cependant, les soins prodigués aux jeunes présentant une incongruité ou une dysphorie de genre ont été caractérisés par un débat social et politique polarisé qui a éclipsé le processus scientifique. Cela a conduit à négliger le principe fondamental de la médecine fondée sur les preuves, qui sert de guide à la recherche et à la pratique afin de maximiser les bénéfices et d'éviter les préjudices.

Certaines opinions sont exprimées de manière plus agressive que dans tout autre domaine des soins cliniques, à tel point que beaucoup de gens ont peur d'exprimer leur opinion ; cette situation est dangereuse tant pour les médecins que pour les patients ».

 

Le contexte de la Cass Review au UK :

 

  • La Cass review a le support de la majorité des partis politiques, son implémentation a commencé sous le gouvernement conservateur, et a continué sous le gouvernement du parti travailliste (ce qui contratse très fort avec les US, où les opinions sur l'approche à adopter dans ce domaine de la médecine sont divisées selon des lignes partisanes).

  • La Cass Review a tout à fait changé la manière avec laquelle les jeunes en « détresse de genre » sont pris en charge au UK.

 

Une grande partie de la désinformation aux USA (cfr. références sus-citées)1, qui a suivi la publication du rapport Cass, découle :  


  • d'une incompréhension fondamentale et profonde du processus de commande et de gouvernance des examens indépendants au Royaume-Uni,

  • d'une méconnaissance des processus réglementaires britanniques et

  • d'un mépris pour le processus d’engagement de consultation des parties prenantes réalisé par la Cass review.

 

Rappel de ce qu’est une « Independant review » et de comment cela fonctionne au UK :

·       Les examens indépendants sont utilisés dans de nombreux pays pour fournir des évaluations objectives et impartiales d'une situation ou d'un processus préoccupant, garantir la transparence et la responsabilité, identifier les domaines à améliorer et formuler des recommandations.

 

·       Au Royaume-Uni, les examens indépendants: 

o   Sont généralement commandés au niveau national ; dans le cadre du National Health Service (NHS),

o   Sont mis en place lorsque la pratique clinique menace la qualité des soins et la sécurité des patients.

o   Ont un président (personnalités publiques respectées, dotées d'une expérience et de connaissances professionnelles considérables). Afin de garantir leur indépendance, ils n'ont aucun lien avec le domaine spécifique faisant l'objet de l'examen (Certaines critiques nord-américaines ont présenté l'indépendance du Dr Cass par rapport au domaine de la médecine de genre chez les jeunes comme une faiblesse, alors qu'il s'agit en réalité du principal atout de la revue)

o   Ont pour portée et objectif que les questions auxquelles il doivent répondre, sont définies par l'organisme qui le commande (et non, comme le pensent les critiques formulées,, par le président).

o   Emettent des recommandations finales : 

Þ    qui sont formulées par le président et ne sont pas approuvées au préalable par l'organisme qui a commandé l'examen ni par le gouvernement britannique.

Þ    qui sont rédigées à l'intention des commanditaires et des prestataires de services.

Þ    Ne sont pas des guidelines (directives) cliniques ou une réglementation (contrairement à ce qui est suggéré dans les critiques de la Cass review). 

 

·       Avant que le NHS mandate la réalisation d’un examen indépendant, Le Dr Cass avait d'abord été chargée de présider un groupe de travail chargé d’effectuer deux revues systématiques réalisées par le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) (National Institute for Health and Care Excellence, 2020a, 2020b), sur Bloqueurs de puberté (BP)  et Hormones croisées (HAG)  dans le traitement des enfants et des jeunes souffrant de dysphorie de genre.

Þ    Lorsque les revues systématiques des données probantes du NICE ont révélé que les données disponibles étaient insuffisantes pour permettre au NHSE de se forger une position politique, une revue indépendante complète a été commandée.

 

·       Le rapport Cass s'appuie sur 7 Revues systématiques de la littérature (Taylor, Mitchell, Hall, Heathcote, et al., 2024 ; Taylor, Mitchell, Hall, Langton, et al., 2024 ; Taylor, Hall, Heathcote, et al., 2024a, 2024b ; Taylor, Hall, Langton, et al., 2024a, 2024b ; Heathcote et al., 2024 ; Hall, Taylor, Hewitt, et al., 2024) portant sur les aspects clés des soins prodigués aux jeunes souffrant de dysphorie de genre. Ces revues systématiques ont été réalisés par l'université de York. 

 

·       Contrairement à ce qu’affirment les critiques de la Cass Review1,3, l'examen a également commandé un audit des pratiques internationales (Hall, Taylor, Heathcote, et al., 2024), une étude qualitative des points de vue des adolescents, des jeunes adultes, des familles et des cliniciens (Jackson-Tayor et Atkin, 2025), une étude de prévalence dans les soins primaires (Jarvis et al., 2025) et une étude de liaison afin d'obtenir des données de suivi à l'âge adulte (Malheureusement, cette dernière n'a pas pu être menée à bien en raison du refus des cliniques pour adultes de coopérer).

 

·       La Cass Review a également effectué un large processus de consultation des parties prenantes (résultats dans le rapport Cass final)

Þ    Plus de 1 000 personnes ont été interrogées (notamment des jeunes et des adultes ayant une expérience vécue (directement ou en tant que membre de la famille), ainsi que des professionnels exerçant dans le domaine de la médecine pédiatrique spécialisée dans le genre et dans des aspects plus larges de la santé physique et mentale et du bien-être des enfants.

Þ    Conclusions de cette interrogation : Les professionnels cliniques interrogés dans le cadre de l'étude ont également clairement indiqué que la détresse liée au genre devait être considérée dans un contexte plus large, soulignant une augmentation substantielle des taux de troubles mentaux chez les enfants et les adolescents au Royaume-Uni au cours de la dernière décennie, avec une augmentation de l'anxiété et de la dépression particulièrement évidente chez les adolescentes, et une augmentation du nombre de jeunes présentant d'autres manifestations physiques de détresse, telles que des troubles alimentaires, des tics et des troubles dysmorphiques corporels. Tous ces facteurs ont un impact potentiel sur le développement de l'identité et de l'estime de soi chez les jeunes.

Þ    L'examen a conclu que ce groupe d'enfants et de jeunes avait été considéré comme exceptionnel parce que les professionnels de santé avaient peur de suivre les mêmes processus d'évaluation que ceux utilisés pour tout autre jeune en détresse, estimant que toute affirmation autre qu'une affirmation sans réserve les exposerait à être qualifiés de transphobes. En conséquence, de nombreux patients n'ont pas bénéficié du même niveau de soins de base que celui qui aurait été accordé à d'autres adolescents en détresse similaire.

 

Application de principes éthiques dans les services relatifs à l’identité de genre pour les enfants et jeunes adultes:


·       Actuellement, les critiques de la Cass review brandissent le principe éthique d’autonomie décisionnelle du patient. (Cependant, selon Beauchamp & Childress (Beauchamp et Childress, 2019), l'ouvrage américain le plus cité en matière de bioéthique, l'autonomie n'a pas un statut supérieur aux autres principes d'éthique médicale, tels que la bienfaisance et la non-malfaisance.)

Þ    Au Royaume-Uni, les directives du General Medical Council stipulent qu'un médecin ne peut prescrire un médicament que s'il dispose de connaissances suffisantes sur la santé du patient et s'il est convaincu que le médicament répond aux besoins du patient (General Medical Council, 2021) ; cela représente un défi face à l'incertitude diagnostique du diagnostic de dysphorie de genre,  et à la faiblesse des preuves scientifiques pour soutenir ces traitements.

Þ    En ce qui concerne la prescription hors AMM (autorisation de mise sur le marché), les lignes directrices du General Medical Council précisent

·       l’ attention particulière à accorder aux risques

·       dans l'évaluation de l'intérêt supérieur dans la prescription aux enfants, que le praticien doit tenir compte de multiples facteurs, notamment le choix qui, s'il y en a plusieurs, restreindra le moins les options futures de l'enfant ou du jeune (General Medical Council, 2007). En d'autres termes, c’est l’option la moins invasive qui doit être retenue.

 

·       Les critiques de la Cass review1,3 font une évaluation de la balance bénéfices/risques autour de la prescription de PB et HAG en sélectionnant un échantillon choisi de publications (qui pour la plupart ont été évaluées de faible à très faible qualité par les revues systématiques) dans un large panel de publications, et en omettant les revues systématiques sur le sujet !

Þ    Cette approche serait inacceptable dans tout autre domaine médical (comme en cancérologie pédiatrique par exemple)

Þ    Or le principe d’autonomie décisionnelle repose justement sur le fait que le patient doit être éclairé adéquatement sur base de toute l’information disponible sur un sujet, et non sur base d’une sélection arbitraire d’articles choisis par le médecin.

 

·       Les critiques de la Cass review omettent de considérer que la Cass review reconnaît que la transition médicamenteuse peut être la meilleure solution pour certains patients. Cependant, elle indique qu’il n’y a aucun moyen d’identitifer sans faille quels sont ces jeunes. La Cass review souligne par contre la nécessité que toute intervention de transition soit effectuée dans un cadre le plus strict de recherche expérimentale adéquatement établie. 

Þ    Les critiques de la Cass review brandissent le pricipe éthique de justice, pour indiquer l’injustice que serait cette restriction d’accès aux médications.

Þ    Les auteurs de l’article ici soulignent justement que la véritable injustice réside dans le fait que les enfants et les jeunes ont bénéficié d'interventions fondées sur des normes et une qualité de recherche inférieures à celles d'autres domaines de la pédiatrie.

 

·       Les critiques de la Cass review indiquent qu’il ne serait pas éthique de faire des études randomisées contrôlées (RCT) sur le sujet. A aucun moment la Cass Review ne recommande des RCT comme la seule manière d’effectuer des études cliniques de haute qualité. La Cass review pointe par contre la piètre qualité des études cliniques déjà réalisées (taux élevés de perte de suivi, périodes de suivi inadéquates, descriptions insuffisantes des variables confondantes et descriptions inadéquates des cohortes de comparaison).

 

·       Les critiques de la Cass review soulignent l’injustice liée à la récupération politique de la question des traitements aux mineurs.

Þ    Bien que ce soit de manière bien triste le cas aux USA actuellement, cette assertion n’est pas juste en ce qui concerne la Scandinavie ou le UK, qui suivent les résultats des revues systématiques de littérature avec approbation de la majorité des partis politiques.



[1] A non peer-reviewed article (white paper), “An Evidence-Based Critique of the Cass Review on Gender-Affirming Care for Adolescent Gender Dysphoria” (hereafter the “Yale Critique”), was posted on Yale University Law School’s website (McNamara et al., 2024a).

·       The Yale Critique’s reference list was scanned for other papers commenting on the Cass Review, and three additional publications were identified:

o    G24 : Grijseels, D. M. (2024). Biological and psychosocial evidence in the Cass Review: A critical commentary. International Journal of Transgender Health, 1–11. https://doi.org/10.1080/26895269.2024.2362304

o    H24: Horton, C. (2024). The Cass Review: Cis-supremacy in the UK’s approach to healthcare for trans children. International Journal of Transgender Health, 1–25.https://doi.org/10.1080/26895269.2024.2328249

o    N24: Noone, C., Southgate, A., Ashman, A., Quinn, É., Comer, D., Shrewsbury, D., Ashley, F., Hartland, J., Pashdag, J., Gilmore, J., Kennedy, N., Wooley, T., Heath, R., Goulding, R., Simpson, V., Kiely, E., Coll, S., White, M., Grijseels, D. M., ... McLamore, Q. (2024). Critically appraising the Cass report. Methodological flaws and unsupported claims. https://osf.io/preprints/osf/uhndk

·       Aaron, D. G., and C. Konnoth. 2025. The future of gender- affirming care: A law and policy perspective on the Cass review. The New England Journal of Medicine 392 (6):526– 8. doi: 10.1056/NEJMp2413747.

[2]  « Critiques of the Cass Review: Fact-Checking the Peer-Reviewed and Grey Literature”

Kathleen McDeavitt, J. cohnb and Stephen B. levine

Journal of Sex & Marital therapy

2025, Vol. 51, no. 2, 175–199 https://doi.org/10.1080/0092623x.2025.2455133

·       Cheung CR, Abbruzzese E, Lockhart E, Maconochie IK, Kingdon CC. Gender medicine and the Cass Review: why medicine and the law make poor bedfellows. Arch Dis Child. 2025 Mar 19;110(4):251-255. doi: 10.1136/archdischild-2024-327994. PMID: 39401844; PMCID: PMC12013558.

[3]  Kirby, J. A. 2025. Multi-lens ethics analysis of gender-affirming care for youth with implications for practice and policy. The American Journal of Bioethics 25 (6):57–72. doi 10.1080/15265161.2025.2497983.

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